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Chronique de l’intolérance ordinaire
Affaire du non-jeûneur d’Oum El Bouaghi
Farès, victime de la hogra
(Enquête de Fella Bouredji – El Watan week-end du 29.10.2010)
Farès Bouchouata, arrêté pendant le Ramadhan dernier et jugé pour atteinte aux préceptes de l’islam a écopé de 2 ans de prison ferme. Une peine confirmée en appel. Le procureur général de la cour d’Oum El Bouaghi affirme que cette sanction a été prononcée pour dégradation de biens d’autrui. L’avocat de Farès affirme que le verdict du procès contredit cette déclaration. Pourquoi ce jeune a-t-il été arrêté ? Quels sont les chefs d’inculpation retenus contre lui ? El Watan Week-end a mené une contre-enquête, et a découvert que même si Farès a été dénoncé, Oum El Bouaghi n’est pas la région du conservatisme et de l’intolérance.
De la poussière survole la route. Les constructions inachevées longent de part et d’autre le chemin menant à la cité des 750 Logements d’Aïn Beïda. Le tout donne à cette ville dépendant de la wilaya d’Oum El Bouaghi, une atmosphère de précarité qui colle bien à l’image de ville délaissée qu’on pourrait se faire de ce coin enclavé de l’Est du pays. A la recherche de la mère de Farès Bouchouata, une heure passée dans les artères principales de la ville suffit pour constater que la modernité boude ce petit bout de l’Algérie. Une apparence de pauvreté et de désœuvrement sur les visages et dans l’architecture est, par contre, indéniable.
«Non, je n’ai jamais entendu parlé de cette affaire ! Deux ans de prison ferme pour avoir mangé durant Ramadhan», s’exclame un adolescent croisé à l’entrée de la cité. Le regard vif et la parole légère, il ajoute sur un ton moqueur : «Je n’ai pas fait carême cette année, ils ne m’ont pas emmené en prison !» L’adresse indiquée est fausse, il va falloir repartir de l’autre côté de la ville pour retrouver le quartier où habitait le non jeûneur emprisonné. A la place appelée «Droudj» sur la route menant à Kenchela, Hamid, chauffeur clandestin dit connaître Karima* el fermilia (l’infirmière), la mère de Farès. «Elle habite de l’autre côté de la ville. Elle est assez connue par ici, à cause de ses filles…» Hamid n’en dira pas plus. La 405, au moteur vrombissant démarre en direction de la Cité SNMB.
Parcours d’un jeune désœuvré
Le hasard faisant bien les choses, la première femme abordée sur les lieux n’est autre que Karima El Fermlia, la mère de Farès. A l’entrée de son immeuble, elle s’exprime sans retenue : «Mon fils subit une grande injustice, il est vrai qu’il a un passé de délinquant mais il se reconstruisait. Il a certes déjà fait de la prison mais ces derniers temps, il s’est vraiment rangé, confie-t-elle d’emblée. Je lui ai loué un local dernièrement et il en a fait une salle de jeux. Le jour de son arrestation, il était justement allé acheter du Sanibon pour nettoyer son local. Ils l’ont arrêté et tabassé alors qu’il s’était juste installé avec le mari de sa sœur qui déjeunait. Quand je suis allée le voir à l’hôpital, il était dans les vapes et je n’ai même pas pu lui parler. Quelle colère j’ai éprouvé quand j’ai su qu’on l’avait amené au commissariat sans lui faire de certificat médical alors qu’il a eu 26 points de suture !» Alors que Karima se laisse emporter par son dépit, un objet, jeté du haut de l’immeuble percute le sol. Elle interrompt son flot de paroles et rétorque violemment à l’adresse de la personne qui se cachait derrière sa fenêtre.
Des répliques dures et menaçantes qui laissent ensuite place à autant d’émotion que de confusion : «J’ai quatre garçons et deux filles et je travaille dur pour subvenir à leurs besoins. Farès a grandi dans la souffrance et m’a posé beaucoup de problèmes après mon divorce. Il a touché à la drogue et a été mêlé à des histoires de vols mais c’est un garçon bien». Un autre objet se brise par terre, cette fois-ci, c’est de l’immeuble d’en face que le projectile a été lancé. Pour se protéger, la mère propose de s’abriter dans le hall de l’immeuble où les amis de Farès rejoignent la conversation : «Ici, il y a des gamines qui se font violer sans que la police ne se déplace et pourtant ils ont accouru quand on les a appelés pour un non-jeûneur !», confie l’un d’entre eux. La mère de Farès reprend de façon tranchante : «Au tribunal, on a voulu me rendre le Sanibon qu’on a trouvé chez mon fils le jour de l’arrestation, je leur ai dit de le garder et de laver leur tribunal avec !».
Indifférence ambiante
A la cité de l’Espérance, où a été arrêté Farès, personne ne semble être au courant de l’affaire. Deux villas, à l’entrée du quartier dont les murs donnent dos à une autre cité, celle des 100 logements. C’est ici, dans un coin ombragé entre les deux cités que les trois non jeûneurs ont été surpris. Mais fait étrange, les habitants des environs n’ont pas entendu parler de cette affaire. Un homme rencontré sur place s’étonne : «Je ne comprend pas, depuis quand on enferme les gens parce qu’ils ne font pas carême ? Il n’y a qu’à faire un tour au parc de l’Emir Khaled pour trouver bien plus grave, des jeunes qui boivent et fument du shit en toute tranquillité tout au long de l’année.» Une femme du quartier, qui n’est également pas au courant de l’affaire, rétorque spontanément : «Deux ans, c’est beaucoup pour cette accusation !». L’information à Aïn Beida ne circule, apparemment, pas facilement. Ou alors les gens ont d’autres préoccupations en tête. C’est ce que suggère un autre habitant du quartier qui explique : «Je suis très occupé par mon travail, et je n’ai pas l’habitude de lire les journaux et comme les gens n’en parlent pas…». Un peu plus loin, un homme connaît l’affaire et évoque d’ailleurs la mise au point du procureur général qui dément que Farès ait été arrêté pour non observation du jeune. Mais l’homme n’est pas de la région. Il s’appelle Hamid Ferhi. C’est un militant algérois venu justement à Aïn Beida pour cette affaire. Avec lui, Salim Yezza, un autre militant originaire de T’kout, venu lui aussi s’enquérir de la situation suite à la publication de la mise au point du procureur général qui a jeté le flou sur cette affaire. Le cabinet de Me Sabeg se trouve à quelques mètres d’ici, et c’est d’ailleurs l’occasion d’en savoir un peu plus sur le contenu de cette mise au point.
Jugement confirmé
L’arrêté du procès en mains, Me Sabeg explique sur un ton serein et ferme que le flou n’a pas de place dans cette affaire. «Le compte rendu du procès est clair, mon client a été inculpé pour deux chefs d’inculpation : atteinte à un dogme ou précepte de l’islam et détérioration des biens de l’Etat. Il a été notifié le 17 octobre dernier dans un jugement définitif à la cour d’Oum El Bouaghi, que l’accusé écope de deux ans prison ferme pour les deux chefs d’inculpations retenues contre lui». Concernant la mise au point communiquée par le procureur général de la cour d’Oum El Bouaghi, Me Sabeg confie avoir été étonné : «J’ai appelé tous mes collègues qui ont assisté au procès, je me suis rendu à la cour d’Oum El Bouaghi le 26 octobre dernier, et j’ai vérifié auprès du greffier et dans le réseau d’application de la cour et le résultat est le même. Farès Bouchouata a effectivement été jugé pour deux chefs d’inculpation dont celui de l’article 144 bis 2, d’atteinte à un précepte de l’Islam.» Cette version vient donc contredire les déclarations du procureur général qui soutient «qu’en appel, la cour n’a retenu contre Farès Bouchouata que le délit de destruction de bien d’autrui». Me Sabeg souligne d’ailleurs l’absurdité de ce jugement en rappelant ce qu’il a déjà affirmé dans sa plaidoirie : «Si on part du principe que la non observation du jeûne est une atteinte à l’islam, on doit également arrêter toutes les personnes qui ne sont pas à la mosquée pour la prière du vendredi et aussi toutes les personnes ayant les moyens d’aller à la Mecque pour El Hadj et qui ne le font pas.»
« A chacun sa liberté »
Maintenant que le jugement pour non observation du jeûne est confirmé, il y a lieu de se diriger vers Oum El Bouaghi pour en savoir un peu plus sur cette contradiction flagrante entre la réalité des faits et les déclarations du procureur général de la cour, exprimée dans la mise au point citée plus haut. Il est déjà trop tard, pour espérer le faire réagir. Mais à cette heure tardive de la journée, les cafés de la ville débordent de gens qui ont beaucoup à dire. Le café Hayouta, situé au centre de la capitale des Haracta, est le théâtre d’agitation et de va-et-vient incessants. «En 1993, j’étais lycéen et je me rappelle que Djeninet Azitoune (le jardin des olives, parc situé non loin de la cour d’Oum el Bouaghi) était le lieu de rencontre des non jeûneurs en plein Ramadhan, ils y mangeaient le plus normalement du monde et je sais qu’ils le font toujours», raconte Hafid, un chaoui très prolixe, quelque peu surpris par ce jugement. Djamel, assis à la même table que lui, ajoute : «Nous n’avons jamais eu de problème de ce genre, nous sommes certes conservateurs et pieux mais dans la région, nous respectons la liberté de chacun». Le sujet inspire tout le monde. Yazid, jeune musicien de la région explique : «La religion est une affaire privée, personne n’a de droit de regard sur cette question». Le sujet passionne certes, mais pas au point de susciter une envie de mobilisation contre cette décision de justice, que tous s’accordent à qualifier d’inacceptable. «Nous n’avons pas cette facilité à la contestation qu’ont les Kabyles. Nous n’avons pas le même degré de conscience dans la région, ni les mêmes moyens. On se contente donc d’en parler mais ce n’est pas une raison pour appliquer une justice ici et une autre en Kabylie», confie un jeune vivant entre Oum El Bouaghi et l’Italie.
Lapsus juridique
Le jour se lève sur Oum El Bouaghi comme une promesse de nouveauté. Mais non tenue, évidemment. Chacun reprend ses activités avec la même nonchalance qui caractérise la région. La cour située au centre de la ville a ouvert ses portes depuis une bonne heure et les nombreux restaurants de choua qui longent l’allée commencent à laisser se promener les odeurs appétissantes de viande grillée. Le procureur général, joint d’abord par téléphone en vue d’un entretien, se laissera surprendre et ne répondra que de manière hâtive : «Je dois aller en déplacement et je crois que tout a été dit dans ma mise au point», rétorque-t-il avant de prendre la peine d’écouter les dernières informations communiquées par Me Sabeg, contredisant sa version. «Il s’agit d’un lapsus», explique-t-il. «L’arrêt du jugement n’a pas encore été rendu public, et après les attendus des magistrats, il a été décidé que seul le second chef d’inculpation (détérioration des biens d’autrui) sera retenu contre lui», ajoute-t-il. Mais d’après le prononcé du procès évoqué par Me Sabeg, deux chefs d’inculpation ont bel et bien été retenus contre Farès et il n’y a pas eu d’acquittement pour le premier chef d’inculpation. «Un arrêté sera rendu public dans deux semaines corrigeant ainsi le premier prononcé du procès qui n’est pas révélateur des véritables résultats du procès. Il faut aussi savoir que ce jeune à beaucoup d’antécédents avec la justice», explique le procureur général.
Procédure qui trouve difficilement de logique juridique, selon l’avis de plusieurs avocats, mais qu’à cela ne tienne. Qu’en est-il alors de Farid Feloussa, aujourd’hui en fuite, jugé par défaut et qui a écopé, lui, de 3 ans de prison ferme sans avoir cassé de vitre. «Oui, certes, nous allons d’ailleurs régler son problème. Il sera acquitté dans ce même arrêté qui sera rendu public dans deux semaines.» Histoire close ? Peut-être pour le procureur général qui vient de trouver là une manière détournée de régler un problème qui s’apparente à une vraie dérive judiciaire, mais pas pour Farès Bouchaouta qui en a encore pour plus de 700 jours à passer dans les geôles pour un crime qui ne figure dans aucune loi algérienne. Tous les observateurs ayant suivi cette affaire attendent avec impatience l’arrêt du jugement. «Vont-ils aller jusqu’à falsifier le prononcé du procès ?» se demandent plusieurs voix. Il faudra attendre deux semaines pour le savoir.
Fella Bouredji
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Collectif SOS LIBERTES
Un « dé-jeûneur » du Ramadan condamné à 2 ans de prison ferme à Oum El Bouaghi
Halte aux dérives « talibanesques » !
La cour d’appel d’Oum El Bouaghi (Aurès) vient de condamner Farès Bouchouata, 27 ans, à 2 ans de prison ferme et 100.000 DA d’amende, pour « atteinte aux préceptes de l’islam ». Il a été surpris, fin août 2010 durant le Ramadan, par une descente de police alors qu’il déjeunait avec des amis dans un lieu isolé du centre ville de Aïn Beïda.
La multiplication de ces « dépassements » enregistrés dans plusieurs localités du territoire national laisse penser qu’il ne s’agit pas du zèle marginal de fonctionnaires de province, mais d’une opération planifiée à un niveau supérieur, pour des objectifs qui restent à déterminer. Sans base légale, ces poursuites pour délit de culte sont dictées par des motivations extrajudiciaires qui évoquent la pratique médiévale des procès en sorcellerie.
Vivement inquiet de ces dérives « talibanesques » récurrentes d’un corps de sécurité transformé en police religieuse, et de l’instrumentalisation de la Justice par l’idéologie de l’intolérance et de la régression,
Le Collectif SOS LIBERTES dénonce le verdict sommaire de la cour d’appel d’Oum El Bouaghi, et exige la remise en liberté immédiate de Farès Bouchouata.
Le Collectif SOS LIBERTES rappelle que la liberté de conscience et de culte est garantie par la Constitution algérienne et par les Pactes internationaux ratifiés par l’Algérie ; elle est synonyme du droit de chaque citoyen de « pratiquer le culte de son choix, ou de ne pas pratiquer », qu’aucune autorité ne saurait remettre en cause sans se mettre hors la loi.
Le Collectif SOS LIBERTES exhorte une fois de plus le gouvernement à mettre un terme aux agressions contre les libertés en général et la liberté de conscience et de culte en particulier. Tout en rappelant avec fermeté aux magistrats du parquet et aux forces de l’ordre que leur mission doit s’accomplir dans le strict respect des lois de la République, le gouvernement doit sanctionner toute forfaiture visant à détourner l’autorité que confère une fonction officielle au service d’intérêts occultes.
Le Collectif SOS LIBERTES appelle à une large mobilisation des partisans des libertés pour soutenir les victimes de l’arbitraire, et résister aux assauts de l’inquisition.
Alger, 21 octobre 2010.
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Collectif SOS LIBERTES
Les « dé-jeûneurs » du Ramadan relaxés par le tribunal de Aïn-El-Hammam.
Après le procès du 21 septembre dernier, le tribunal correctionnel de Aïn-El-Hammam vient de rendre son verdict en prononçant la relax de Hocine Hocini et Salem Fellak, poursuivis pour «offense aux préceptes de l’Islam ». De confession chrétienne, ces deux ouvriers du bâtiment ont été interpellés par la police le 12 août 2010, alors qu’ils observaient une pause-déjeuner sur leur chantier.
Le Collectif SOS LIBERTES prend acte de ce verdict qui rétablit dans leurs droits les deux victimes de l’arbitraire, et salue la mobilisation citoyenne qui l’a rendu possible.
Le Collectif SOS LIBERTES rend hommage à Hocine Hocini et Salem Fellak, qui ont assumé leurs convictions avec dignité et courage, et salue le collectif d’avocats qui a assuré bénévolement leur défense.
Le Collectif SOS LIBERTES interpelle le ministre de la Justice sur les suites qu’il compte donner aux propos discriminatoires inacceptables du procureur-adjoint de Aïn-El-Hammam qui, en apprenant la foi chrétienne des deux inculpés, leur avait conseillé de « quitter ce pays qui est une terre d’Islam, et d’aller en Europe ».
Le Collectif SOS LIBERTES appelle au renforcement de la solidarité avec les autres victimes des persécutions pour « délit religieux », notamment lors des procès prévus le 10 octobre à Larbâa-Nath-Irathen, et le 8 novembre à Akbou.
Alger, le 05 octobre 2010.
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Collectif SOS LIBERTES
Liberté pour les « dé-jeûneurs » du Ramadan !
Le tribunal de Aïn-El-Hammam (wilaya de Tizi-Ouzou) s’apprête à juger, le 21 septembre, Hocine Hocini et Salem Fellak pour « non respect des préceptes de l’Islam ». Durant le Ramadan, les deux ouvriers ont été surpris par la police en train de déjeuner dans un lieu privé.
Le 8 novembre, une dizaine de citoyens d’Ighzer Amokrane (Wilaya de Béjaïa) répondront de la même accusation devant le tribunal d’Akbou.
Entre temps, le 26 septembre, à Larbâa-Nath-Iraten, quatre chrétiens sont convoqués devant les magistrats pour répondre du délit de « pratique d’un culte non musulman sans autorisation ».
A Tébessa, dans l’est algérien, deux jeunes gens, arrêtés en « flagrant délit de consommation de denrées alimentaires », ont été placés sous mandat de dépôt.
Cette nouvelle escalade de l’intolérance religieuse sous couverture officielle est d’autant plus inquiétante qu’elle survient dans un climat politique délétère. Au mépris de la légalité républicaine, deux institutions de l’Etat – la Police et la Justice – dont le rôle est de faire respecter la loi et de protéger les libertés, sont détournées au service d’une idéologie liberticide. Obéissant à des considérations occultes dont il reste à percer le secret, cette agression qui viole la liberté de conscience et de culte, garantie par la Constitution et les Pactes internationaux ratifiés par l’Algérie risque, une fois encore, d’engendrer de graves dérapages aux conséquences tragiques.
Le Collectif SOS LIBERTES condamne toute forme d’intolérance et de répression pour délit de culte, exprime sa solidarité avec les victimes de l’arbitraire, et exige le prononcé du seul verdict juridiquement et moralement acceptable : la relaxe de tous les inculpés poursuivis pour délit de conscience.
Le Collectif SOS LIBERTES réaffirme avec force que le droit de chaque citoyen de pratiquer la religion de son choix – ou de n’en pratiquer aucune – relève de la liberté individuelle qu’aucune autorité ne peut remettre en cause.
Le Collectif SOS LIBERTES rappelle que le respect d’autrui n’a de sens que s’il est réciproque et librement consenti ; imposé à sens unique au nom d’une majorité « écrasante », il devient synonyme d’oppression et de soumission.
Le Collectif SOS LIBERTES exhorte les ONG de défense des droits de l’Homme à rappeler aux autorités algériennes leurs engagements internationaux, qui leurs imposent des devoirs en matière de respect et de protection des libertés individuelles.
Le Collectif SOS LIBERTES salue la mobilisation citoyenne et l’élan spontané de solidarité visant à faire reculer l’arbitraire ; il soutient le rassemblement pacifique prévu par la population de Aïn-El-Hammam le 21 septembre 2010 devant le tribunal de la ville, pour dire :
NON A L’INQUISITION !
NON A L’ARBITRAIRE !
POUR LE RESPECT DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTES !
POUR LE RESPECT DE LA LIBERTE DE CONSCIENCE ET DE CULTE !
Alger, le 19 septembre 2010.
Contact : sos.libertes@yahoo.fr
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COLLECTIF SOS LIBERTES
Ramadan : appel au respect de la liberté de conscience
« La liberté de conscience et la liberté d’opinion sont inviolables »
Constitution algérienne (Art.35).
« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (…)»
Déclaration universelle des droits de l’Homme (Art. 18)
Le Ramadan 2010 survient dans un climat politique délétère, une tension sociale grosse de risques et des conditions météorologiques particulièrement éprouvantes.
Si, comme chaque année, l’Etat a pris des mesures pour faciliter l’observance de ce rite par les pratiquants, les non pratiquants risquent, une nouvelle fois, d’être la cible des forces de sécurité, transformées pour la circonstance en bras armé de l’inquisition. Ces dernières années, des « dé-jeûneurs », pourtant discrets, ont été arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison.
Le Collectif SOS Libertés rappelle que le respect d’autrui n’a de sens que s’il est réciproque et librement consenti ; imposé à sens unique au nom d’une majorité « écrasante », il devient synonyme d’oppression et de soumission.
Le Collectif SOS Libertés appelle les autorités à respecter les lois de la République, en mettant un terme au détournement des institutions au service d’une idéologie intolérante et liberticide. Le gouvernement doit rappeler fermement aux agents de l’ordre et aux magistrats que leur rôle n’est pas de pourchasser les citoyens pour « délit religieux », mais de protéger l’exercice des libertés fondamentales, garanties par la Constitution et les Pactes internationaux ratifiés par l’Algérie.
Le Collectif SOS Libertés exhorte les citoyens, croyants et non croyants, pratiquants et non pratiquants, au respect de la diversité des convictions et des pratiques religieuses qui conditionne la cohabitation pacifique dans une société plurielle apaisée.
Le Collectif SOS Libertés réaffirme que dans l’espace public, tous les citoyens doivent jouir des mêmes droits et du même respect. En conséquence, des lieux de consommation (cafés et restaurants) doivent être autorisés à ouvrir pour répondre aux besoins de ceux qui, pratiquant une religion autre que l’Islam ou n’en pratiquant aucune, ont choisi de ne pas jeûner.
Alger, le 10 août 2010
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Police Islamique du Salut ?
En violation de la Constitution qui garantit la liberté de conscience, des policiers viennent encore une fois de confondre leur mission républicaine avec leurs fantasmes de Pasdarans, chargés de «pourchasser le vice et de promouvoir la vertu ». Cet article paru dans El Watan du 07/09/2009 nous rappelle que l’intolérance prend désormais un visage officiel.
Pour avoir « mangé » pendant la journée du ramadhan
Deux jeunes incarcérés puis remis en liberté
Djamila, jeune émigrée installée depuis peu en Algérie, et son cousin ont été incarcérés mardi dernier pour avoir « cassé » le Ramadhan. Après avoir été incarcérés à la prison d’El Harrach, les poursuites judiciaires ont été abandonnées suite à une intervention « d’en haut ».
Les faits remontent à mardi dernier. Ayant passé la journée à courir les rendez-vous professionnels pour l’ouverture prochaine de sa société, Djamila et son cousin se sont installés dans un parc, à l’abri des regards, pour se rafraîchir et s’alimenter. « Il y avait une chaleur atroce ce jour-là. Dans la mesure où nous devions faire des allers-retours quotidiens entre Alger et la Kabylie, où mes parents possèdent une maison, il fallait prendre des forces pour ne pas causer d’accident de voiture. Nous étions garés dans le parking attenant au parc de Ben Aknoun. Personne ne passe par là à 15h », nous a expliqué Djamila. A peine ont-ils ouvert leur sac que deux policiers en civil les ont accostés. A la vue des sandwichs, ils les ont questionnés sur leur religion. « Les deux flics nous ont proposé d’aller au poste de police pour une simple vérification d’identité sur ordinateur et nous les avons suivis », raconte Djamila. C’est au commissariat de Draria que le cauchemar a commencé pour Djamila et son cousin. Les policiers ont d’abord voulu prétendre que son cousin buvait de l’alcool dans le parking de Ben Aknoun. Puis ils les ont accusés d’être « amants ». « Ils ont interrogé mon cousin de façon très musclée sur le fait de ne pas jeûner », relate Djamila. Le commissaire de police leur a fait signer un PV en arabe où il était mentionné qu’« ils mangeaient sur la place publique devant des piétons ». Djamila, qui ne sait parler ni écrire l’arabe, a signé sans savoir de quoi il retournait, sur injonction des policiers. Après une visite médicale, les deux « non-jeûneurs » ont passé la nuit en garde à vue au commissariat. Mercredi matin, les deux cousins ont été menottés pour leur passage devant le procureur. « Dans la salle d’attente, les autres prévenus ne portaient pas de menottes. Nous avons été considérés comme de vrais criminels », rapporte Djamila. De catastrophe en catastrophe, le procureur a décidé de les transférer à la prison d’El Harrach.
Le motif invoqué pour leur incarcération a été le « dénigrement du dogme et des préceptes de l’Islam ». « Nous n’avions aucune idée de ce qui se passait. Dans la voiture de police, les flics n’ont pas voulu nous dire où ils nous emmenaient. Lorsque nous avons compris que nous étions en route vers El Harrach, nous avons appelé notre famille en toute hâte avant que les téléphones ne soient confisqués », confie notre interlocutrice. A la prison d’El Harrach, Djamila dormait à même le sol, car il n’y avait plus de lit disponible dans le dortoir des femmes. Au même moment, toute sa famille s’est impliquée pour faire libérer les deux prisonniers. L’affaire a connu son dénouement jeudi 3 septembre, tard dans la nuit, grâce à l’intervention de quelqu’un « haut placé ». La sœur de Djamila s’insurge contre « l’absurdité » d’une telle condamnation. « On savait que les libertés fondamentales étaient bafouées en Algérie. Oui le Ramadhan est un mois sacré. Oui, c’est un mois de jeûne pour les croyants. Mais il appartient à chacun de pratiquer sa foi selon ses convictions et sa conscience religieuses », dit-elle. Et d’ajouter : « Sommes-nous dans une soi-disant République démocratique et populaire. Ce serait alors une démocratie guidée par l’intransigeance. Pourquoi le fait de manger durant le Ramadhan serait-il un crime passible de prison au même titre que la dilapidation ou le détournement des deniers publics. » Selon l’avocat de Djamila, cette affaire n’aura pas de suite. L’épisode a été comme « effacé » des archives du commissariat de Draria. Djamila et son cousin, eux, se souviendront longtemps de leur mésaventure.
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Par Amel B.
(El Watan 07/09/2009)
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Nouvelle fatwa contre les Kabyles
Dans une nouvelle « FETWA », probable source de financement pour les groupes terroristes ; Abou Tourab demande à El Qaïda d’exiger le paiement d’une « Djizia » aux kabyles
Abou Tourab El Djazaïri demande l’exigence d’une « Djizia » sorte de tribut aux habitants de la région de kabylie. Dans sa dernière « fetwa », qu’il a nommée «Essarim, El Batir, âala rikab Naçara El Djazaïr » « Le tranchant, le coupant sur le coup des chrétiens d’Algérie », il précise qu’il est nécessaire d’obliger les habitants de Kabylie à payer un tribut « Djizia » puisqu’ils sont considérés comme chrétiens. Et d’ajouter : « Ce que je propose n’est pas dans le but de dénoncer ce que ces derniers font, mais pour vous informer que Dieu nous autorise d’exiger le tribut « djizia » de ces chrétiens et de leur interdire de montrer les signes de leur religions.
Abou Tourab tente de convaincre pour l’exigence de la djizia même si cela oblige à tuer, justifiant leurs christianité par l’existence de débit de boissons alcoolisées dans les régions de Bejaia.
Cette nouvelle fetwa est une source de financement pour les groupes terroristes, après le tarissement de toutes autres sources par les forces de sécurité, et après que les services de sécurité se sont rendu compte que les demandes de rançons exigées par les terroristes après la vague de kidnappings, se faisaient au préalable avec la complicité des familles des personnes kidnappées.
Selon toujours Abou Tourab, les habitants de la Kabylie ont été très influencés par le Christianisme et ont fuit l’Islam à cause de l’existence de nombreuses églises, ce qui autorise la demande de la Djizia à ces habitants puisqu’ils sont en terre d’Islam.
Dalila B. – An-Nahar – 14 Décembre, 2008
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Sétif : en raison de sa tenue vestimentaire
Une jeune étudiante menacée d’exclusion de l’université
L’intégrisme reprend du poil de la bête et réinvestit les campus universitaires censés être des lieux de savoir et de culture.
En effet, mercredi dernier, R. Ouafa, une étudiante, en première année de sciences et technologie à l’université Ferhat-Abbas de Sétif, a fait les frais du fondamentalisme islamiste et a été victime d’une décision arbitraire de la part de la direction de l’établissement qui a décidé de l’exclure pour le seul motif du port d’une tenue occidentale. Son père, R. Abdelhamid, attaché de recherche résidant à Aïn Ousséra dans la wilaya de Djelfa, dénonce avec véhémence ce zèle intégriste : “Ma fille s’habille à l’occidentale de manière propre et avec tout mon accord. Lorsqu’elle est entrée à l’amphithéâtre 8 pour passer son examen d’informatique, une surveillante H…, sœur musulmane extrémiste portant la djellaba, l’a obligée avec beaucoup de haine à changer de place pour la provoquer.” Dans l’altercation qui a suivi, la surveillante lui lança : “Tu ne dois pas porter cette tenue, tu es fâssiqa et moutabarridja !” Le professeur de la matière, qui est lui aussi un extrémiste affirmé, n’en demandait pas plus, saisissant l’occasion pour rédiger un rapport au directeur de l’université, où il réclame le renvoi pur et simple de l’étudiante. Le chef de l’établissement ne sera pas en reste dans cette affaire puisqu’il dira à la jeune Ouafa, et sans aucune forme de procès : “H… a tout à fait raison, tu dois porter la tenue musulmane. Je vais te passer en conseil de discipline et t’exclure !”
(Liberté – 06/06/2009)
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Alger : Un enfant de 6 ans jugé et condamné pour « dégradation des biens d’autrui »
La justice algérienne continue à s’illustrer à travers des comportements et des jugements qui défient tout entendement. Qu’on en juge : le tribunal de Sidi-M’hamed près la cour d’Alger a jugé et condamné par défaut un enfant âgé d’à peine 6 ans, le dénommé Bouabdallah Billal.
Dangereuse récidive d’une justice qui, en décembre dernier, à Ménéa, dans la wilaya de Ghardaïa, avait jugé en audience publique pour coups et blessures Guettaf Oussama, un bambin de 5 ans. Le tribunal de Sidi M’hamed à Alger vient, en effet, de prendre exemple sur le tribunal de Ménéa. Le dénommé Bouabdallah Billal, qu’il jugea par défaut et condamna à un blâme par jugement rendu le 2 mars 2009 sous le numéro de dossier 09/00020, ne bouclera ses 6 ans que le 25 mai prochain. Le petit Billal, qui est en classe préparatoire, a été jugé et condamné pour destruction de biens d’autrui. Son père, auquel le jugement a été signifié le lundi 20 avril, s’est rapproché hier du tribunal pour savoir de quoi il en retournait dans cette histoire à laquelle il a du mal à croire. Sur place, il s’est vu répliquer qu’il disposait d’une dizaine de jours pour pourvoir en cassation le jugement rendu. Ce qu’il fit. La cassation a été enregistrée sous le numéro 09/778. L’audience de ce procès en appel est programmée pour le lundi 4 mai 2009. Ce jour, le petit Billal devra, si la justice ne se ressaisisse entre-temps, se présenter à la barre et répondre en audience publique du chef d’inculpation retenu contre lui, à savoir destruction de biens d’autrui. Son père, qui s’est présenté hier à notre rédaction, n’en revenait pas. « J’ai du mal à imaginer mon fils qui n’a pas encore 6 ans se présenter à la barre et répondre aux questions du juge. Pensez au traumatisme qu’il subira le pauvre enfant ! », a-t-il lâché à la fois dépité et coléreux. La mésaventure du petit Billal commença en 2008. C’était un vendredi et le petit Billal se trouvait chez ses grands-parents à Ruisseau. Il se trouvait ce jour près de la voiture d’un voisin de ses grands-parents, qui avait fait l’objet d’une casse, fait du petit ou de quelqu’un d’autre. La police ramassa le petit Billal et le conduisit au commissariat. Là il s’est vu entendre sur PV. Sa grand-mère et son oncle maternel accoururent. Le PV était déjà rédigé. Son père qui réside au 1er-Mai à Alger, alerté, arriva un peu plus tard. Le policier qui établit le PV le rassura qu’aucune suite n’allait être donnée à cette affaire, d’autant que le voisin, propriétaire du véhicule endommagé, s’était lui aussi présenté et avait décidé de ne pas faire de déposition. Rassuré, le père est rentré chez lui. Il oublia cette histoire jusqu’au 20 avril dernier, lorsqu’il reçut la notification du jugement.
Sofiane Aït Iflis – Le Soir d’Algérie (23/04/2009)
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Ghardaïa : Un enfant de 5 ans condamné pour « coups et blessures »
La justice algérienne est-elle en train de toucher le fond au point de juger un enfant de 5 ans et de surcroît en audience publique ?
Le petit Guettaf Oussama, âgé d’à peine 5 ans, a été jugé lundi dernier par le tribunal correctionnel de Ménéa près la cour de Ghardaïa pour coups et blessures volontaires sur sa tante paternelle. Accompagné de ses parents et de son avocat, l’enfant, en dépit de son âge, a comparu en audience publique. Il ne comprenait absolument rien aux questions du juge sur la véracité ou non des faits qui lui sont reprochés. Il a éclaté en sanglots, suscitant la compassion des nombreuses personnes présentes à l’audience. L’enfant avait déjà subi une première torture. Celle d’être entendu par la police judiciaire et ce, après avoir été destinataire d’une convocation… à son nom. Interrogé par le correspondant local du journal Echourouk, l’avocat de Oussama n’a pas pu s’empêcher d’exprimer sa colère contre de telles violations du code de procédure pénale, notamment dans son volet relatif aux mineurs. « La loi est très claire à ce sujet. L’enfant ne peut comparaître en audience publique parce que le but n’est pas de le sanctionner mais de moraliser le comportement du mineur. Non seulement le législateur a imposé le huis clos pour les procès de mineurs, mais il doit prendre en compte le côté psychologique de ces derniers », a déclaré l’avocat.
Toutes ces dispositions ont été violées non seulement par la police, qui a entendu l’enfant avant de le présenter au parquet, mais également par le tribunal qui l’a jugé, comme un adulte, en audience publique. Le pauvre enfant n’avait d’autre défense que de se réfugier dans les sanglots. La cerise sur le gâteau a été le verdict rendu en fin de journée par le tribunal de Ménéa : un blâme et le paiement des frais de justice par les parents. Abattu, le père, Guettaf Hourri, a déclaré aux correspondants locaux que son fils « est traumatisé par cette affaire et ne comprend rien à ce qui lui arrive. Il est très affecté et se mure dans un silence inquiétant. Lorsque le juge a insisté pour le faire parler, il a éclaté en sanglots ». Contacté, le chargé de la communication de la Sûreté nationale a déclaré : « C’est le tuteur de l’enfant qui a été convoqué par la police judiciaire de Ménéa, sur instruction du parquet. Le procureur a demandé par la suite l’audition de l’enfant, mais elle ne pouvait se faire du fait que ce dernier ne parlait pas bien. Un rapport a été fait dans ce sens et transmis au parquet. » Y a-t-il pire pour un enfant et ses parents, que de subir un tel traumatisme ? Parce qu’il s’agit d’une grave dérive liée à la violation des droits consacrés des enfants, dans un pays qui a l’obligation (en vertu de nombreuses conventions) de les protéger.
Par Salima Tlemçani (El Watan – 17/12/2008)
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Alger : condamnés pour avoir fumé discrètement durant le ramadhan
La Cour d’Alger rend son verdict dans l’affaire des 4 jeunes accusés d’« atteinte à l’Islam» : trois peines de prison avec sursis et une relaxe
Condamnés en première instance le 30 septembre à 3 ans d’emprisonnement et à 100 000 DA d’amende, ils ont été libérés hier soir du pénitencier d’El Harrach (Alger), après 58 jours de détention. La cour d’Alger a rendu, au cours de la journée, son verdict dans le procès en appel opposant le ministère public aux 4 prévenus. Un verdict qualifié par l’un des avocats de la défense d’« indulgent », contrairement à celui rendu par le tribunal de Bir Mourad Raïs. Celui-ci a prononcé l’une des peines les plus lourdes prévues par l’article 144 bis (alinéa 2) du code pénal qui punit toute personne coupable d’atteinte à l’Islam d’une peine de 3 à 5 ans ferme et de 50 000 à 100 000 DA d’amende. La présidente de la 5e chambre correctionnelle, Mme Bouamrane, désavoue le tribunal de Bir Mourad Raïs et prononce la relaxe pour S. Saïd (22 ans) et condamne les trois autres, Mustapha T., Farid M. et Hocine T. (le plus âgé a 25 ans) à deux mois de prison avec sursis, assortis d’une amende de 1000 DA. « Ce verdict consacre la victoire du droit », déclare euphorique l’avocat Iddir Mohamed du barreau de Tizi Ouzou. Rappelons que les accusés ont été arrêtés le 21 septembre dernier sur l’avenue Littoral dans le quartier « chic » de Hydra, sur les hauteurs d’Alger, alors qu’ils s’apprêtaient à rejoindre leur lieu de travail. Les tâcherons ont été surpris par une patrouille de police en train de… griller une cigarette en plein Ramadhan, mois de jeûne musulman. Ils ont été déférés, sous la procédure du flagrant délit, devant le parquet. Une semaine plus tard, le 30 septembre, sans l’assistance d’un avocat, ils sont condamnés au bagne.
Dans un communiqué rendu public, le collectif SOS Libertés, initiateur en mars 2008 de l’appel à la tolérance et au respect des libertés, qui a rassemblé plus de 2500 signataires, s’insurge contre « les dérives policières et les procès d’opinion qui piétinent la légalité républicaine pour imposer l’ordre moral d’un autre âge » et réaffirme sa « solidarité avec toutes les victimes de l’arbitraire d’une justice sous influence ». « Alors que l’humanité s’apprête à célébrer, le 10 décembre prochain, le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’Algérie se distingue une fois de plus par l’intolérance et l’extrémisme officiel visant à régenter les convictions du citoyen », lit-on dans déclaration du collectif, qui dénonce « un procès en sorcellerie dicté par des considérations extrajudiciaires » et qui « constitue un outrage intolérable à la liberté de conscience (et) viole les principes fondamentaux du droit, les conventions internationales ratifiées par l’Algérie et les lois de la République ». Le collectif SOS Libertés appelle les partisans des libertés et des droits de l’homme à « la vigilance citoyenne pour établir la primauté du droit et résister ainsi aux menaces de l’intolérance, de l’archaïsme et de la régression ».
Par Mohand Aziri – El Watan (19/11/2008)
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Biskra: Une femme condamnée à 10 ans ferme pour « atteinte au Coran »
La cour de Biskra examinera aujourd’hui le cas d’une femme condamnée, il y a un mois, à 10 ans de prison ferme par le tribunal de première instance pour avoir porté atteinte au Coran. Dans son réquisitoire, le représentant du ministère public a requis la confirmation de la peine en application de l’article 160 section 4, stipulant que « toute profanation ou dégradation du Livre Saint est punie de 5 à 10 ans de prison ». Condamnée à 10 ans de prison ferme lors du précédent procès qui s’est déroulé en septembre dernier, sans que l’accusée ne puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat, la mise en cause, qui purge une peine d’emprisonnement dans un établissement pénitentiaire de Biskra pour une affaire civile indépendante de celle-ci, a été défendue par maître Houda Talha.
Samia Smeta, 26 ans, détenue à la prison de Biskra où elle purge une peine de droit civil, a été jugée en septembre dernier sur la base du témoignage de deux codétenues qui l’ont vue, selon leurs déclarations, en train de profaner et de déchirer une copie du Coran. L’article 160 du code pénal, dans sa section 4 intitulée Profanation et dégradation, stipule : « Est puni d’un emprisonnement de 5 à 10 ans quiconque volontairement et publiquement détruit, mutile, dégrade ou profane le Livre Sacré. »
Il s’agit d’un amendement introduit en 1982 suite à des actes similaires présumés, enregistrés lors des événements qui ont secoué Tizi Ouzou en avril 1980. Une première, selon un spécialiste en droit criminel, qui affirme que la sévérité du tribunal est sans précédent. Le juge – celui-là même qui a condamné six personnes pour n’avoir pas observé le jeûne à Biskra – a prononcé, en effet, la peine maximale sans accorder les circonstances atténuantes, sachant que le témoignage des détenues n’est pas considéré comme preuve de première fiabilité et sachant aussi que la prévenue n’est pas une récidiviste en la matière. Ce n’est pas la personne humaine, mais le délit qui a été pris en compte, ajoute notre interlocuteur, qui déclare que « le rôle de la justice ne peut pas se résumer à être un distributeur automatique de peines ». Plus grave, Samia Smeta a été jugée sans avoir été défendue par un avocat. Un fait qui interpelle sur le rôle du bâtonnat de Batna auquel appartient la région de Biskra et renseigne sur le fait qu’il existe encore des Algériens incapables de jouir de leur droit à la défense. Notre interlocuteur attire en outre l’attention sur l’idée que l’article 160 du code pénal parle de « livre sacré » sans préciser s’il s’agit du Coran ou des autres livres des religions monothéistes, ou de tous à la fois.
Par: Nouri Nesrouche – El Watan (21/10/2008)
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Biskra : Six personnes condamnées pour non-respect du Ramadhan
Six individus ont été condamnés par le tribunal de première instance près la cour de Biskra à quatre ans de prison ferme assortis de 100.000 DA d’amende chacun pour « non-respect d’un fondement de l’Islam, le Ramadhan », selon le chef d’inculpation retenu par le juge. C’était la veille de l’Aïd, dimanche 29 septembre.
Si la chose passe inaperçue chez la plupart des Biskris et fait même l’objet d’un consentement en ce qu’elle représente l’occasion de donner l’exemple et de redresser le tort causé aux sentiments religieux de la population, des points de vue juridique et politique, elle risque de constituer une autre violation des droits de l’homme qui vient ajouter une louche à la campagne de moralisation culminant après l’affaire Habiba K., de Tiaret, et la levée de boucliers contre une soi-disant campagne d’évangélisation qui viserait l’Algérie.Selon la version officielle, 27 personnes, dont 2 mineures, ont été surprises et ensuite arrêtées dix jours auparavant par la police au jardin public Djenane El Beylek en train de manger pendant la journée.
Tous ont reconnu les faits avant d’être obligés de signer des décharges exprimant leurs regrets, après quoi ils ont été relâchés. Six autres individus, âgés entre 30 et 50 ans, ont été arrêtés en flagrant délit le même jour, en train de jouer aux cartes et en possession de denrées alimentaires qu’ils consommaient en plein jour et en plein centre-ville, dans un coin, près du cercle du club de football de l’US Biskra. Pour le citoyen lambda, c’est un sacrilège puisque le musulman n’est pas censé manger avant la rupture du jeûne prévue chaque jour du Ramadhan à l’appel de la prière du maghreb. En revanche, compte tenu de la constitution algérienne et de la loi qui en découle, il n’est mentionné nulle part que les citoyens « confondus » dans pareille situation doivent subir des peines.
Selon un spécialiste du droit algérien, l’acte pour lequel ces personnes ont été condamnées ne tombe sous la force d’aucune qualification pénale. Il s’agit d’une première dans les annales judiciaires, affirme-t-il, sachant que la constitution, notamment dans son article 36, garantit la liberté de conscience et la liberté d’opinion. « Le seul cas où des actes pareils sont incriminés a été introduit dans le Code pénal à travers les amendements d’Ahmed Ouyahia en 2001 et concerne exclusivement l’acte journalistique », ajoute notre source. Il s’agit de l’article 144 bis2 qui, sous l’intitulé « Outrage et violence contre les fonctionnaires et les institutions de l’Etat », stipule : « Est puni d’un emprisonnement de 3 à 5 ans et d’une amende de 50 000 DA à 100 000 DA quiconque offensera le prophète ou l’un des envoyés de Dieu ou dénigre les dogmes ou les préceptes de l’Islam, que ce soit par voie d’écrit ou de dessin, de déclaration ou tout autre moyen. Les poursuites sont engagées d’office par le ministère public. » A partir de là, c’est la qualification même du délit qui a été faussée au départ. Le fait de ne pas jeûner n’est pas reconnu comme crime ou délit par le législateur algérien, ajoute notre source, bien plus que cela, la loi divine elle-même ne prévoit pas de pénalité sévère et même le régime des taliban n’est pas aussi strict. Me Boudjemaa Ghechir, président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH), considère de son côté que « l’interprétation du juge de l’esprit de l’article 144 bis2 n’est pas juste ». Et d’ajouter : « Ces personnes ont été condamnées pour s’être moquées d’un précepte de l’Islam, alors que rien ne prouve qu’il s’agissait de moquerie ». »
Par M. Nadjah – El Watan (06/10/2008)
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