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Verrouillage politique à double tour

Posté par soslibertes le 2 juin 2009

Verrouillage politique à double tour

Par : TARIK MIRA (*)

 

 Le retour à la stabilité institutionnelle après plus d’une décennie de désordre sanglant n’a pas réglé la problématique de la légitimité politique dans notre pays. Celle-ci reste entière, perturbée par un chancre hérité de la période coloniale : le trucage électoral.

Le système de légitimation mis en place depuis le premier scrutin présidentiel pluraliste (1995) a atteint des limites que les kermesses électorales n’arrivent plus à cacher malgré la récurrence des rushs télévisés et le traditionnel gonflement des chiffres. La fracture civique frappe de plein fouet. Elle est tellement visible que l’opinion publique internationale – institutionnelle et civile – ne s’est pas laissée abuser lors de la dernière élection présidentielle.
La désaffection de l’électorat crée un fossé entre le citoyen et les institutions, réalité qui fera naître un sentiment d’exclusion, y compris dans les couches moyennes. Le hiatus entre richesse de l’État, d’une part, et la permanence de problèmes du pouvoir d’achat, de chômage à un niveau élevé et de mal-vie dans la société, d’autre part, démobilise de plus en plus les forces vives du pays.
Attirée par les mirages du Nord, une partie de la jeunesse paye au prix fort son appel à l’insertion sociale et à l’intégration économique. Le phénomène des harragas illustre de manière tragique cette quête de dignité et, paradoxalement, de volonté de vivre.
Créer les conditions du “vivre ensemble” et, osons-le, du bonheur, exige, entre autres, l’assainissement de la vie publique, cette dernière étant assimilée à tort ou à raison par l’opinion comme un moyen rapide et indu d’enrichissement du personnel politique.
La corruption générée notamment par l’absence de démocratie, symbolisée constitutionnellement par le déséquilibre des pouvoirs entre l’Exécutif et le législatif et l’absence de séparation de ces derniers entre eux et séparément avec le juridique, dénote la volonté de tout régenter et de réduire ainsi les espaces de liberté à leur plus simple expression. Ce patriarcat politico-institutionnel réinvente le zaïmisme, système incarné par un chef incontestable, imperméable à la transparence. L’inexistence du statut du parlementaire (député et membre du Conseil de la nation) pour exercer convenablement ses trois fonctions génériques – législative, contrôle du gouvernement et intermédiaire entre les citoyens et les institutions – participe en partie de cette logique d’opacité. Tout doit procéder d’en haut !
S’il est indispensable de refonder le socle de légitimité, il n’est pas interdit, dans le cadre institutionnel en vigueur, de mettre en place un certain nombre de mesures qui puissent remettre un tant soit peu de la confiance entre l’État – définition juridique et abstraite de la nation – et le peuple, par exemple, par la déclaration publique du patrimoine de tout élu au début et à la fin de l’ensemble des mandats électifs. Le contenu doit être accessible publiquement à tout citoyen. Certes les tricheries existeront toujours mais la loi sera un premier pas vers un meilleur contrôle des deniers publics et de ceux qui sont chargés de les gérer.
L’opposition légale, parlementaire ou extra-parlementaire, doit porter cette revendication et montrer l’exemple pour échapper à cette réflexion désabusée et fatale : “Ils sont tous les mêmes.” Le ré-enchantement du politique qui conditionne la perspective démocratique passe en priorité par la capacité de l’opposition à s’imposer comme une alternative crédible.
Devant ce défi, l’opposition démocratique qui porte l’espoir du changement, voire de rupture, fait face à des contraintes externes et internes. Les premières sont connues. Elles sont basées sur la fraude électorale et le contrôle des moyens d’expression au bénéfice quasi exclusif du pouvoir. Ce n’est pas un obstacle de moindre importance.
Pourtant, il y a des exemples dans le monde où des transitions démocratiques se sont opérées dans des systèmes rigides au niveau de toutes les aires géopolitiques, à l’exception des États de la Ligue arabe. Le Ghana est le dernier exemple de l’alternance après une expérience démocratique récente. Ce qui est possible ailleurs pourrait l’être en Algérie.

Crédibiliser l’opposition
Pour mobiliser l’opinion à son projet malgré les contraintes externes, il faut aussi être attractif dans son fonctionnement, sa composante et son discours. Les partis se réclamant de la mouvance démocratique sont le miroir inversé du modèle qu’ils entendent combattre.
Les chefs sont inamovibles et les appareils verrouillés par des cooptations. Les congrès pré-fabriqués légitiment périodiquement les allégeances.
La fidélité n’est pas aux idéaux mais au leader. Et l’esprit de complotite fait et défait les structures.
Les parcours des formations du courant démocratique sont parsemés d’exclusions et de démissions, créant chez bon nombre de militants des désillusions irréversibles.
Ces formations se vident de leurs cadres, fragilisant davantage leurs assises dans une lutte pourtant déséquilibrée face au pouvoir. Les conséquences sont terribles à l’intérieur et à l’extérieur de ces partis. La plus insupportable est de faire croire que la rhétorique du discours démocratique est automatiquement synonyme de pratique démocratique. De jeunes novices en sont sincèrement convaincus. Leur désenchantement sera à la mesure de la désillusion de leurs aînés exclus ou démis.
Du reste, la critique à juste titre de la révision constitutionnelle contre la limitation des mandats — l’un des rares acquis de la modernisation institutionnelle – est frappée d’impertinence auprès de la population eu égard à la longévité des leaders partisans à la tête de leurs formations politiques. Sur ce point, les dirigeants du pouvoir en sont décomplexés et le font savoir bruyamment.
L’Algérie offre le spectacle désastreux d’une multiplicité de partis uniques.
Sommes-nous donc tous les mêmes ? Non, à condition de faire son aggiornamento et d’être dans la pratique en conformité avec les idéaux et à l’éthique citoyenne que l’on veut promouvoir.
L’Algérie a changé avec de nouvelles générations qui sonnent aux portes des marchés économiques et politiques.
Les partis démocratiques doivent investir dans la jeunesse, cette majorité sociologique qui est une chance pour le pays. Les jeunes sont, en effet, un immense réservoir de force de travail si on sait leur donner les moyens de leur épanouissement. Il faut arriver, à terme, par la combinaison de la démocratisation interne et externe, à faire coïncider la majorité politique et la majorité sociologique du pays dans les affaires publiques.
Les partis démocratiques, dont la philosophie est basée sur deux principes fondateurs, la liberté et l’égalité, doivent non seulement attirer les femmes pour le combat politique mais également se montrer volontariste en créant des postes éligibles en faveur de cette catégorie. Ce n’est pas le cas pour le moment.
Il est même devenu visible que les associations de femmes sont réticentes à l’endroit de ces partis au regard notamment de propositions non concluantes dans le passé. L’éparpillement des voix et des énergies travaille en faveur des forces conservatrices.
En matière de discours, le renouvellement est indispensable. La situation d’hier a imposé des schémas et catégories trop idéologiques qui sont devenus obsolètes. S’intéresser aux problèmes et les résoudre dans le cadre de la gestion locale notamment, qui doit être plus efficiente, est l’une des clefs à l’indispensable élargissement social et spatial du courant démocratique.
Ces conditions remplies permettront la mobilisation citoyenne et militante pour lever les contraintes du pouvoir sur la vie nationale, dans un premier temps, et s’attaquer à l’indispensable chantier de l’alliance des forces démocratiques (partis, syndicats, ONG, personnalités).
Jusqu’à aujourd’hui les rares tentatives de regroupement ont naturellement échoué. Le fiasco de la dernière initiative de lancement d’une pétition de personnalités politiques appelant au boycott du scrutin présidentiel du 9 avril 2009 est symbolique de cette incapacité.
Ce dernier déboire soulève par ses non-dits et en filigrane la question du leadership. La gestion des ego est à elle seule tout un programme de travail. Il faut être imaginatif pour trouver les formes de désignation de candidats. Si la volonté existe, le reste suivra.

Un champ de ruines
La recomposition du champ politique, ces dix dernières années, se fait aux dépens de l’opposition en général et du camp se réclamant de la démocratie en particulier. Ce dernier, sous le double verrouillage de ses propres appareils et de l’action du pouvoir, est devenu un champ de ruines.
Il n’y a pourtant aucune fatalité à cette situation. Des exemples de notre propre histoire contemporaine, à l’image de la crise qui avait frappé le Mouvement national à la veille du 1er Novembre 1954, montrent que rien n’est insurmontable et rien n’est définitif.
Ensemble de notions de droits et libertés, la démocratie se conquiert.
Le peuple algérien est capable de cette prouesse si les acteurs imprégnés de cette culture se montrent à la hauteur de l’enjeu par l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité.

T. M.
(*) Député RCD de Béjaïa
(Publié dans Liberté du 30/05/2009)

Publié dans DEBATS / POLEMIQUES, Verrouillage politique | Pas de Commentaire »

LE DEVOIR DE DESOBEISSANCE CIVIQUE

Posté par soslibertes le 13 avril 2009

LE DEVOIR DE DESOBEISSANCE CIVIQUE

Par Arezki AÏT-LARBI*

« Fuyez le pays où un seul homme exerce tous les pouvoirs, c’est un pays d’esclaves ! »

Simon Bolivar.

Vingt ans après la tragédie d’octobre 88 qui a avorté d’une démocratie en trompe l’oeil, le pays s’enfonce dans une inéluctable régression vers l’inconnu. Au mépris des lois de la République et des Pactes internationaux ratifiés par l’Algérie qui garantissent la liberté de conscience, des magistrats dopés à l’intolérance des « tawabits » fascisantes continuent de sévir au gré de leurs fantasmes. En toute impunité. Après la persécution des chrétiens de Tiaret, c’est un juge de Biskra qui vient de se distinguer en prononçant de lourdes peines de prison contre des citoyens arrêtés « en possession de denrées alimentaires qu’ils consommaient en plein jour » durant le ramadan. Pour stopper le tollé médiatique dénonçant le scandale, une cour d’appel expresse a été chargée, dans une inhabituelle précipitation, d’acquitter les « mécréants ».
Ces nouvelles agressions contre les libertés qui surviennent dans un climat politique et social délétère ne sont pas fortuites. Alors que de larges couches populaires continuent de tirer le diable par la queue, les initiés sont obsédés par les jeux du sérail et l’avenir professionnel du chef de l’Etat. Malgré les pathétiques plaidoyers d’opposants minoritaires pour relever les bas salaires qui stagnent dans la précarité, les parlementaires de la « sainte alliance » ont opposé un infranchissable barrage au nom de la rigueur dans la gestion des deniers publics. Avant d’aller à la soupe et voter, dans un synchrone mouvement d’ensemble, l’ordonnance portant leurs indemnités à 30 fois le Salaire minimum garanti.
Après avoir abdiqué ses prérogatives constitutionnelles, le parlement a accepté l’humiliation de sa mise à plat ventre par un exécutif arrogant qui tient la laisse et la mangeoire. Il est bien loin le temps de la dignité, lorsque, pour se démarquer de la dictature en marche, Ferhat Abbas démissionnait du perchoir de l’Assemblée avant d’être assigné à résidence. Aujourd’hui, la scène est occupée par des concubines de harem se déhanchant dans de sordides danses du ventre, pour accéder au rang de favorite dans la couche du sultan. Pitoyable descente aux enfers d’un pays, dont le combat héroïque a sombré dans un grotesque processus de perversion qui, selon le constat d’un historien, a transformé « un mouvement libérateur, et même pour une part libertaire, en une autocratie totalitaire et répressive, dopée au culte de la personnalité».

Connivences inattendues
La vie publique étant réduite à des allégeances claniques et à des complicités tribales, la loi du milieu a fini par se substituer à celles de la République. La rapine généralisée, érigée en jurisprudence, est révélée par cette monstruosité juridique et morale perpétrée par le premier magistrat du pays qui, au lieu d’opposer le Code pénal à ceux qui ont attenté aux biens publics, supplie les chefs de la maffia de « faire preuve de patriotisme, en réinvestissant le produit de leur larcin dans l’économie nationale » !
Pour restaurer une hypothétique paix civile, cette mansuétude à l’égard des délinquants de la cour et de l’arrière-cour a été étendue aux terroristes intégristes qui, au nom de Dieu, avaient tenté d’éradiquer tous ceux qui refusaient de se soumettre aux commandements d’une idéologie totalitaire, répressive et régressive. Dès son retour aux affaires, en avril 1999, le président Bouteflika résumait son programme par un pittoresque défilé de mode : « réconcilier le qamis de Abassi avec la mini jupe de Khalida! ». Une perfide posture de casque bleu entre « les extrêmes islamistes » et les «extrêmes laïques » pour rétablir l’équilibre du régime, comme si des hordes de majorettes hystériques avaient, elles aussi, organisé des « tournantes » sur d’innocents salafistes.
Une décennie plus tard, il faut se rendre à l’évidence. Avec l’impunité accordée aux criminels de tous bords qui n’ont pas émis le moindre signe de repentance, la « réconciliation nationale » n’est, en fin de compte, qu’une reddition de l’Etat de droit, un pied de nez à la Justice et une prime à la violence qui continue de susciter des vocations morbides. Pour conjurer les opérations sanguinaires de Abdelmalek Droukdel, on oppose désormais les fatwas de son prédécesseur, Hassan Hattab, comme une nouvelle stratégie antiterroriste. On adopte ainsi la logique d’une idéologie liberticide, en feignant de combattre les moins présentables de ses manifestations.
Cette redistribution des cartes a révélé des connivences inattendues. Même ceux qui, le 11 janvier 1992, avaient juré de « protéger la démocratie » en freinant les effets pervers du suffrage universel, n’ont réussi en fin de compte qu’à sauvegarder leurs privilèges et fructifier leur fortune. Seize ans après leur « redressement républicain », l’on assiste à ce misérable spectacle d’un ancien ministre de la Défense, ce « sauveur de la République » qui justifiait jadis les pires dérapages par les impératifs de la lutte contre le fascisme vert, et qui est réduit, aujourd’hui, à exhiber des certificats médicaux pour convaincre un ex émir du GIA qu’il a bien quitté le pouvoir !

Bilan « globalement négatif »
Alors que le pays pleurait ses enfants et enterrait ses morts, ce national-islamisme rampant a gangrené, par glissements successifs, les plus hautes sphères de l’Etat. La victoire militaire sur la barbarie intégriste s’est paradoxalement soldée par la double défaite – idéologique et morale – de la société, livrée à l’arbitraire des rédempteurs en uniforme et autres sous-traitants de « l’ordre nouveau ». Et l’on est arrivé au résultat hallucinant de deux institutions républicaines, la Gendarmerie et la Sûreté nationales, transformées en une Police Islamique du Salut, bras armé de l’inquisition chargé de « promouvoir la vertu et de pourchasser le vice »: mécréants briseurs de ramadan, jeunes couples coupables de tendresse subversive, et chrétiens qui « ébranlent la foi des musulmans » par une pratique spirituelle non homologuée par les gardiens du temple. Et c’est en toute bonne conscience que des juges prononceront, le doigt sur la couture du pantalon, de lourdes peines de prison contre tous les « déviants marginaux», au mépris des principes fondamentaux du droit. Si le destin du pays est de finir sous la burqa de cette Charia de fait accompli, et au risque de choquer les chantres d’une modernité au pas cadencé, autant remettre tout de suite les clés de l’Etat à celui qui en a les compétences, qui a payé le prix fort pour le triomphe de son « idéal », et qui n’a pas fait fortune dans la politique : Ali Belhadj.
Dans ce bilan « globalement négatif », il faut reconnaître au président Bouteflika un incontestable mérite. A son corps défendant, il a poussé jusqu’à la caricature les travers du système imposé en 1962 par l’Armée des frontières, révélant ainsi la servilité d’une classe politique gastrique, sans vision, sans projet, sans honneur. Un système qui a remplacé le mérite, l’éthique et le courage, par la flexibilité de l’échine et cette disponibilité pathologique des esprits à aller aux devants des désirs de l’autorité.
Le résultat est tragique. Un parlement fantôme, soumis aux injonctions de l’exécutif. Des ministres réduits au rang de dociles secrétaires dactylos. Une justice sous influence qui se couche au gré des fantasmes du sérail. Une « société civile » faite de bric et de broc. Fonctionnaires de la contestation avec frais de mission. Intermittents de l’opposition occupés à ruminer des miettes en rêvant d’être parachutés sur le palais d’El Mouradia. Retraités de la Sécurité militaire ayant changé d’« instruments de travail », pour expliquer au bon peuple les spécificités d’une « démocratie pour les nuls ». Comme si, à l’âge de la ménopause, Mme Claude se recyclait en professeur de vertu dans un pensionnat de jeunes filles !
Malgré les apparences, cet abus de pouvoir n’est, en fin de compte, que l’expression servile d’un abus d’obéissance. Un viol des consciences par consentement mutuel. Pour ces enfants gâtés d’un système qu’ils feignent parfois de dénoncer, toute idée de rébellion, qui impliquerait nécessairement un dépassement de leurs propres intérêts et un renoncement aux indus privilèges, relève de l’hérésie. Question d’éducation entre gens de bonne compagnie, « on ne parle pas la bouche pleine, on se contente de roter ! »

Stopper la « régression stérile »
Aux illusions trompeuses, il est temps d’opposer l’éthique de la vérité, fût-elle cruelle. La preuve est faite par 200.000 morts et une inquisition au pas de charge que le régime, sous ses divers oripeaux, n’est pas un rempart contre la barbarie intégriste. Mais une halte d’étape, un sas de décompression, avant la chute finale. En nivelant les différences et en niant les convictions et les identités – politiques, culturelles et religieuses – des Algériens et leur libre expression pacifique dans une société plurielle, l’interminable cascade de concessions à l’islamisme au nom d’une réconciliation frelatée, risque d’hypothéquer lourdement l’avènement d’une paix civile durable.
Pour stopper cette « régression stérile », et établir un rapport des forces favorable à la promotion des libertés et des droits de l’Homme, les partisans de la démocratie doivent répudier ce rôle indécent « d’idiots utiles », de supplétifs des casernes et de chaouchs des mosquées. Finira-t-on, enfin, par comprendre que ni les prétendus « segments modernistes » du sérail obnubilés par un instinct hypertrophié de survie, ni les puissances occidentales mues par de sordides intérêts, n’ont vocation à se substituer au citoyen pour défendre ses libertés, et imposer un Etat de droit ?
Avant de relever le défi de l’inévitable confrontation idéologique imposée par les adeptes du « croissant gammé » qui, des maquis du GSPC/Al-Qaïda aux palais officiels, mènent le même combat liberticide, les démocrates ont besoin de crédibilité. Qui passe par une autonomie irréprochable, balisée par d’infranchissables garde-fous éthiques. N’en déplaise aux stratèges de bistrot, il ne sert à rien de scruter une improbable fissure dans le sérail pour s’y engouffrer. En dépit de conjoncturelles frictions de préséance, la volonté de perpétuer ce système de l’autoritarisme et de la rente reste, pour tous les dignitaires du régime, une constante consensuelle. Avec Abdelaziz Bouteflika auquel ils auraient, dit-on, consenti une prolongation du bail, ou avec un successeur tiré, une nouvelle fois, du chapeau des prestidigitateurs militaires, il n’y a aucun miracle à attendre du prochain scrutin présidentiel.

Une seule alternative : l’insurrection éthique
Dans un climat lourd des désillusions du passé, de l’incertitude du présent et de l’angoisse de l’avenir, le renoncement n’est pourtant pas une fatalité. Malgré la corruption généralisée et la course à l’argent facile, de dignes héritiers de Abane Ramdane, Larbi Ben M’hidi et Djamila Bouhired ont réussi à échapper au rouleau compresseur de la normalisation autoritaire. Armés d’inébranlables convictions et d’un sens aigu de l’éthique, ils ont osé une exceptionnelle désobéissance civique d’autant plus méritoire qu’elle est, pour l’instant, minoritaire et risquée.
Cette Algérie plurielle de la dignité et du courage qui résiste à l’autoritarisme et à l’arbitraire, c’est Habiba K. revendiquant sa foi chrétienne, malgré les menaces du Vichinsky de poche qui l’a sommée de choisir entre la mosquée et la prison. C’est Khéloudja Khalfoun, l’avocate qui a volé à son secours en brandissant l’étendard des libertés et du droit. C’est le muphti Soheib Bencheikh qui lui a offert la protection d’un Islam convivial et décomplexé. Ce sont les 2500 intellectuels qui ont dit « non » à l’inquisition, en proclamant « la liberté de conscience, synonyme du droit de chacun de pratiquer la religion de son choix ; ou de ne pas pratiquer ». Ce sont les syndicalistes autonomes qui mettent leur vie en péril par d’interminables grèves de la faim, pour arracher le droit d’exercer dignement leur métier. Ce sont ces journalistes libres qui peinent, chaque jour, à bousculer les lignes rouges qu’un rédacteur en chef en cagoule et treillis tente de leur imposer derrière le rideau. Ce sont ces militants sans grade des partis à potentiel démocratique, qui luttent pour injecter un peu d’idéal et de passion dans les appareils squattés par des carriéristes visqueux. Ce sont les étudiants qui, dans le respect de leur engagement pluriel, s’unissent dans des coordinations de combat, malgré le sectarisme des états-majors partisans. Ce sont ces « petits » juges qui traquent, dans la solitude des cabinets d’instruction, les receleurs d’argent sale, même si, comme dans l’affaire Khalifa, la chambre d’accusation finit toujours par blanchir les notables avant tout procès. C’est cette poignée de parlementaires qui refusent le détournement de leur mandat à des fins mercantiles…
Après deux décennies de faux espoirs et de vraies illusions, l’insurrection éthique qui tente d’imposer la primauté du droit et refuse l’indignité des génuflexions devant l’autorité, doit faire tache d’huile. Projetée sur la scène politique, elle constitue la seule alternative crédible à la clochardisation de la vie publique, à la fatalité du désespoir, et à l’impasse structurelle qui a paralysé les institutions, érigé l’archaïsme au rang d’idéologie nationale et officialisé le baise-main comme ascenseur social. En renvoyant barons du régime et opposants par décret à leurs petites magouilles et à leurs grosses affaires, ce big-bang réhabilitera, enfin, l’engagement politique et le militantisme citoyen dans ce rôle de levier du redressement qui a fait les grandes nations.
Le pays a perdu trop de temps. Les Algériens ont versé trop de larmes et de sang. L’heure n’est plus à l’expectative et aux lamentations, mais à la mobilisation autonome et déterminée.

A.A.-L.
*Journaliste
(Publié par El Watan – 25/10/2008)

Publié dans DEBATS / POLEMIQUES, Le devoir de désobeissance civique | Pas de Commentaire »

Posté par soslibertes le 11 avril 2009

 

Résister à « l’Etat policier »

pour conjurer la « République intégriste »!


Par Arezki AÏT-LARBI*

« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et finit par perdre les deux. »

(Thomas Jefferson)

Le pays est dans l’impasse ! Après le casting des figurants pour une mise en scène à intrigues gigognes, mais dont la fin tragique est connue de tous, le Conseil constitutionnel s’apprête à publier son triste palmarès. A quelques semaines d’un scrutin joué d’avance, les conspirations du sérail prônant des alternatives claniques et régionalistes ont escamoté le nécessaire débat exigé par la clarification des enjeux. Par des fanfaronnades triomphalistes célébrant la « victoire de la réconciliation nationale sur le terrorisme », les gardiens du temple tentent d’occulter la reddition du droit et de la raison devant l’arbitraire et l’intolérance. Alors qu’il ne cesse de harceler Ali Benhadj, coupable de lui refuser l’allégeance contre une confortable retraite, le pouvoir continue de manifester une étrange mansuétude à l’égard d’assassins bombant le torse, d’imams prêchant le racisme, la violence et la haine, d’agents de l’ordre déguisés en pasdarans, et de magistrats prononçant de terribles fatwas, au mépris des lois de la République.
En fermant le jeu politique, en verrouillant les espaces de liberté et en encourageant l’idéologie de la régression, les barons civils et militaires du régime ont réussi un nouveau croche-pied à l’histoire, retardant ainsi l’avènement d’un Etat de droit qui assurerait la sécurité du citoyen et la protection de ses libertés. Ali Benhadj, qui fut le grand inquisiteur du FIS, n’est pas un enfant de choeur. Par sa bénédiction au terrorisme dans ses dérives les plus barbares, il porte une lourde part de responsabilité dans l’avortement d’une démocratie en trompe-l’oeil qui a transformé le pays en immense caserne. Au nom de la défense du « choix du peuple », la fureur intégriste s’était déchaînée contre les civils, coupables de résistance civique face à la fatalité de la régression. « Nouvelles habitudes alimentaires et vestimentaires» dans les « territoires libérés ». Assassinats d’intellectuels. Enlèvement et viol d’adolescentes « butin de guerre ». Massacres collectifs de Bentalha, de Raïs et d’ailleurs qui n’épargnèrent ni femmes, ni vieillards, ni bébés. Autant de crimes contre l’humanité restés, à ce jour, impunis.

Charia de fait accompli
La lutte contre la barbarie intégriste pouvait-elle pour autant justifier le recours à des moyens barbares ? Si l’Etat avait le devoir impérieux d’assurer la protection des citoyens, la lutte antiterroriste ne pouvait déroger au strict respect de la légalité sans perdre son levier moral. En cautionnant la torture, en occultant les exécutions sommaires, en minimisant les disparitions forcées, en renonçant ainsi aux valeurs fondatrices de leur légitime résistance, les « démocrates-républicains » se sont tiré une balle dans le pied et conforté les islamistes dans leur imposture victimaire. Avec une « réconciliation nationale » frelatée, qui a amnistié les criminels et sommé leurs victimes de taire leur douleur, la stratégie officielle a fini par se dévoiler : isoler Ali Benhadj comme abcès de fixation de la peur, livrer la société aux fantasmes d’un islamisme « light » en attendant le pire, et sauvegarder ainsi les positions névralgiques qui garantissent la rente. L’ordre militaro-policier islamisé, comme rempart au désordre intégriste !

Dans ce climat de délabrement éthique, même l’histoire a subi l’outrage des révisionnistes, sans susciter la moindre réaction de la « famille révolutionnaire ». Alors qu’on crache sur la tombe d’Abane Ramdane, qu’on occulte la mémoire de Larbi Ben M’hidi et qu’on enterre dans l’indifférence Lamine Debaghine, mort dans la solitude et l’oubli, les Oulémas, qui n’avaient rejoint le FLN de la guerre de Libération que contraints et forcés, sont célébrés comme les parrains de l’indépendance et imposent, au nom d’une légitimité historique usurpée, leur imprimatur à la vie politique et sociale. Bien silencieux durant les années de terreur et de sang, leur chef de file, Abderrahmane Chibane, homme du sérail autoproclamé muphti de la République, dicte aujourd’hui, avec une désarmante arrogance, ses délirants oukases aux plus hautes autorités de l’Etat. Ses vociférations contre les « laïcs, agents du néo-colonialisme » sont célébrées par les torchons national-islamistes comme une « forme supérieure de djihad » et ne rencontrent aucune riposte de leurs cibles. Malgré son uniforme religieux, cet apparatchik, qui fut ministre durant la dictature du parti unique, n’est pourtant pas une autorité morale consensuelle à écouter, mais un adversaire idéologique à combattre au nom de la liberté qu’il ne cesse d’agresser, au nom de Novembre que ses congénères avaient dénoncé, et au nom de la Soummam qui les avait contraints à rejoindre la Révolution à reculons. Son sinistre plaidoyer en faveur de la peine de mort aurait contribué au débat contradictoire, s’il l’avait exprimé sereinement comme une opinion personnelle. En prenant Dieu comme bouclier pour dégainer l’excommunication contre « l’apostat » abolitionniste «qui ne peut être enterré dans un cimetière musulman et doit divorcer de sa femme musulmane », le vénérable vieillard commet un appel au meurtre qui, dans un Etat de droit, aurait été passible du code pénal. Si l’éthique dicte le respect pour son âge canonique, la lucidité exige le rejet de ses éructations, même drapées d’un burnous sacré.

Par touches successives, cette charia de fait accompli a fini par s’imposer dans nos moeurs, par effraction. De son poste avancé de chef de gouvernement, Abdelaziz Belkhadem donnait le ton en décrétant, en mai 2008, que le Coran était « la seule Constitution du peuple algérien ». Dans les forums juridiques, comme dans les tribunaux chargés de « pourchasser le vice et de promouvoir la vertu », cette propension à appliquer l’arbitraire des hommes au nom de la volonté de Dieu tend à faire jurisprudence, au mépris des principes fondamentaux du droit. Et lorsque des voix outrées tentent une timide résistance, c’est sur le terrain de cette même charia qu’elles contestent « l’incompétence… en sciences islamiques » des miliciens chargés de l’appliquer.

Dans ce climat de reddition idéologique, même des militants respectables des droits de l’Homme ont suggéré au Lucky Luke de la fatwa de s’attaquer plutôt « au pouvoir, qui importe des boissons alcoolisées et permet leur consommation ». A chacun donc ses hérétiques, pourvu que soit sauve la référence commune à la loi religieuse.

Résister à la « sainte alliance » liberticide

Que signifie alors le harcèlement qui cible Ali Benhadj lorsque l’idéologie dont il se réclame est mise en application avec autant de zèle par ceux qui tentent de le réduire au silence pour en avoir le monopole ? Hormis son refus bien singulier de rentrer dans le rang officiel et d’adopter les codes claniques du régime, en quoi serait-il plus extrémiste que les autres ? Lui refuser le même tapis rouge que celui déroulé devant Rabah Kébir à son retour d’exil, le même passeport que celui délivré à Abassi Madani, exfiltré au Qatar aux frais du prince, le même « statut particulier » que celui accordé à Hassan Hattab qui n’a eu aucun mot de compassion pour ses victimes, la possibilité de se présenter à tout scrutin, même frauduleux, comme Abdellah Djaballah, ou de siéger au gouvernement comme Aboudjerra Soltani, relève d’une intolérable discrimination. Face à la prébende et à la corruption généralisée, unique projet de société des souteneurs à gages d’un troisième mandat pour Abdelaziz Bouteflika, la vie spartiate d’Ali Benhadj jure avec la mauvaise conscience d’opposants avec ordre et frais de mission, qui crachent dans l’écuelle du pouvoir tout en avalant la soupe de la trahison.

Les bonnes âmes chargées du service après vente de la sinistre manipulation ne manqueront pas de crier à l’hérésie « républicaine », en rappelant, à juste titre, qu’au faite de sa gloire, le Savonarole salafiste avait décrété la « démocratie kofr », proclamé un impitoyable djihad contre les laïcs, et condamné les femmes à la soumission éternelle d’une vie domestique. Sa posture d’aujourd’hui évoque singulièrement celle de Louis Veuillot, l’intransigeant polémiste catholique du XIXe siècle, qui s’écriait face aux libéraux : « Quand je suis faible, je revendique la liberté au nom de vos principes. Quand je serais fort, je vous la refuserai au nom des miens ! » Contrairement à d’autres compagnons de détention qui ont abdiqué devant les tentations frivoles, il faut lui reconnaître le mérite d’avoir refusé toute compromission avec le système de l’autoritarisme et de la rente. Un système régénéré par la « sainte alliance» liberticide entre les barbus islamistes domestiqués, les barbants de l’ex-parti unique qui ont repris du poil de la bête, et les barbouzes militaro- policiers chargés de leur protection. Dans cette recomposition à la hussarde du champ politique, l’opposition démocratique est réduite à l’impuissance. Réprimés, puis récupérés avant d’être marginalisés et humiliés, on ne concède même plus à ses représentants attitrés ce rôle d’alibi cosmétique, qui leur donnait l’illusion d’une existence virtuelle. Dans ce lourd climat d’impuissante résignation et de renoncement généralisé, Ali Benhadj, qui refuse de bénir le sabre militaro-policier par le goupillon salafiste, est devenu paradoxalement le grain de sable qui peut gripper la machine infernale.

Les libertés ou le chaos !

Pour sortir du statu quo sans sombrer dans la régression, la refondation d’un mouvement civique autonome doit dessiner de nouvelles lignes de fracture, qui passent par la voie étroite des libertés. Toutes les libertés garanties par les pactes internationaux ratifiés par l’Algérie. Les pulsions de la société exigent la levée de l’Etat d’urgence afin de permettre l’expression pacifique et plurielle de tous les courants d’opinion. Pour l’heure, ne sont audibles que les vociférations de l’intolérance et le grondement de l’émeute, encouragés derrière le rideau par les manipulateurs de l’ombre.

L’incompatibilité historique et doctrinale entre démocratie laïque et dictature religieuse doit être réglée sur la place publique par un débat contradictoire même sans illusions, avec les opposants islamistes qui prônent la chute du régime au nom des droits de l’Homme. Retranchés derrière le bouclier divin, les partisans de l’Etat théocratique tentent de brouiller les cartes en citant plus volontiers Voltaire et Montesquieu que Ben Laden ou Ibn Taymia. Il est grand temps de les acculer à sortir de l’imposture pour accepter une cohabitation pacifique dans le respect de chacun, sous l’étendard des libertés pour tous. Ou aller loyalement vers une confrontation sans merci, qui précipitera fatalement le pays dans une tragique implosion. Ces chefs islamistes avaient dénoncé la torture – et ils avaient mille fois raison – lorsqu’ils la subissaient.

Accepteraient-ils, aujourd’hui, de joindre leur voix à celle des militants laïques pour mettre hors-la-loi tous les traitements cruels, inhumains ou dégradants « d’où qu’ils viennent » ? Ils avaient mené campagne contre les condamnations capitales de leurs « frères de combat », malgré le moratoire qui a suspendu les exécutions depuis 1993. Accepteraient-ils l’abolition sans conditions de la peine de mort ? Ils revendiquent la liberté d’opinion, d’expression et d’organisation. Seraient-ils prêts à entériner comme imprescriptible ce même droit pour tous ? Y compris pour les démocrates, les laïcs, les communistes, les athées, et les femmes sans voile, considérés jusque-là comme des ennemis à abattre… ? Ils dénoncent les restrictions à la liberté de prêche imposées aux mosquées sous contrôle officiel. Accepteraient-ils le principe de liberté de conscience, synonyme du droit de chacun de pratiquer librement le culte de son choix ; ou de ne pas pratiquer ? Au-delà des conjonctures favorables aux uns ou aux autres, c’est sur le terrain des libertés, dont tout le monde revendique les avantages, sans en accepter les contraintes, qu’il faut interpeller la société et singulièrement ses acteurs politiques les plus représentatifs : adopter les principes universels des libertés fondamentales ou assumer leur négation au nom des vieilles « spécificités culturelles et civilisationnelles » qui servaient déjà de tenue de camouflage aux dictatures staliniennes issues de la décolonisation.

Malgré le sacrifice de 200 000 victimes, des fleuves de sang et de larmes, et de tragiques désillusions, cette cohabitation pacifique dans une société plurielle reste, pour l’instant, un voeu pieux. Peut-on rêver, à moyen terme, d’une Algérie apaisée, enfin réconciliée avec ses réalités sociologiques, politiques, culturelles et identitaires ? Une Algérie qui accorderait le même respect et une égale protection à l’islamiste Ali Benhadj et à la trotskiste Louisa Hanoune ; à Abderrahmane Chibane, partisan de la peine de mort, et à l’abolitionniste Abdennour Ali-Yahia ; au poète arabisant Omar Azzeradj, à l’écrivain francophone Boualem Sansal et à l’amdyaz berbère Ben Mohamed ; au ministre des cultes Ghoulamallah et à Habiba K., la chrétienne persécutée ; au nationaliste arabe Abdelkader Hadjar et à l’autonomiste kabyle Ferhat Mehenni… ?

Réinventer l’espoir

La politique de « réconciliation nationale » à l’esbroufe, qui a absout la violence sans rendre la justice, sacralisé l’intégrisme et balayé la poussière sous le tapis sans traiter les racines du mal, a montré ses limites. Comme alternative, seule une résistance sans concession à l’intolérance, l’exclusion et la haine véhiculées par le national-islamisme dans ses différentes variantes, de celle qui sévit encore dans les maquis à celle qui occupe déjà les palais officiels, pourra garantir une paix civile durable.

Pour y parvenir, la société doit lire au préalable, avec courage et lucidité, la page sanglante de la « décennie rouge » avant de la tourner. Il ne s’agit pas d’attiser les douleurs ni de crier vengeance pour réveiller de vieux démons. En révélant de surprenantes complicités dans la genèse de la « tragédie nationale » et en démasquant ceux qui en retardent l’épilogue, cet exorcisme collectif permettra à la nation de se regarder dans les yeux pour éviter de nouveaux dérapages qui mèneront fatalement vers les mêmes impasses. La démocratie est un combat permanent pour protéger le citoyen contre les tentations autoritaires des dirigeants et de ceux qui aspirent à leur succéder. Elle ne saurait se réduire à une stupide arithmétique qui donnerait carte blanche au délire des vainqueurs, légitimés par des urnes à double fond. Ni aux niaiseries pseudo-modernistes des enfants naturels de l’ultra-libéralisme délinquant qui ont fait du container un programme, du sac-poubelle un étendard, et de la liposuccion, des silicones et du botox, des signes de ralliement pour nouveaux riches. Que signifie l’arbitrage frauduleux du suffrage universel sans la définition préalable des règles du jeu, et la protection des libertés par des garde-fous consensuels ? Comment donner aux couches populaires les plus défavorisées des raisons de croire que c’est dans la liberté qu’elles pourront s’épanouir, améliorer leur sort et assurer l’avenir de leurs enfants ? Comment convaincre les jeunes désespérés, perdus dans le triangle morbide de la drogue, de l’intégrisme et de l’émigration clandestine, que les libertés ne sont pas un luxe réservé à une « élite occidentalisée » comme le soutiennent les tyranneaux de kasma et les prêcheurs de caniveau, mais une arme redoutable pour changer l’ordre social injuste et imposer une répartition équitable des richesses nationales ? En attendant d’établir ce rapport de forces favorable au triomphe des libertés, assumons, de cette inconfortable position minoritaire, la confrontation idéologique imposée par les chantres de la régression. A l’intolérance du national-islamisme exclusif et sclérosant, opposons la résistance du patriotisme libérateur de nos identités plurielles.

A. A.-L.
*Journaliste.
(Le Soir d’Algérie 25/02/2008)

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