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Faut-i Brûler Habiba K.?

Posté par soslibertes le 13 avril 2009

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Dessin Hichem (Le Hic, Le Soir d’Algérie)

Délit de « culte non musulman »: FAUT-IL BRULER HABIBA K. ?

Par Arezki Aït-Larbi*

Les violations récurrentes des libertés viennent d’atteindre un seuil intolérable. La dernière en date est un procès en sorcellerie qui a eu pour théâtre le palais de justice de Tiaret. La victime, une femme de 37 ans, risque 3 ans de prison ferme pour délit de chrétienté.
C’est la peine requise, le 20 mai, par le procureur de la République (sic), qui l’accuse de «pratiquer un culte non musulman sans autorisation ».
Pour justifier la croisade contre un prétendu prosélytisme évangélique, les autorités invoquent la loi du 28 février 2006. Le procès de Habiba K. a pourtant révélé d’humiliantes persécutions pour délit de culte, sans autre base légale que l’arbitraire officiel béni par des effluves sacrées.
Aux jeux olympiques de la mauvaise foi, le ministre des Affaires religieuses serait médaille d’or. Prônant un discours d’ouverture vers l’étranger, il jure que « la liberté de culte est garantie par la Constitution », omettant toutefois d’ajouter : « A condition de ne pas l’exercer ! » Pour l’opinion nationale, il sort de la naphtaline la bonne vieille théorie du complot.
Plume au garde-à-vous, la presse national-islamiste signale, ici et là, des escadrons d’évangélistes américains crapahutant dans les villages de montagne pour convertir de jeunes égarés à coups de dollars et de visas, et préparer ainsi le terrain à l’intervention des GI’s !
Dans les faits, la réalité est plus triviale. A Tiaret, on a arrêté une frêle jeune femme en possession de redoutables pièces à conviction : des bibles ! N’eut été la perversion qui a transformé des institutions républicaines en bras armé de l’inquisition, cette capture pittoresque des forces de l’ordre aurait prêté à sourire.
Devant le tribunal, le procès tourne à la farce, révélant une nouvelle fois les dessous d’une justice sous influence qui se couche au gré des fantasmes du sérail. Alors que le magistrat a pour rôle de dire le droit, voilà qu’il se métamorphose en directeur de conscience, lançant des fatwas d’indignité et prêchant des conversions à rebours.
Pour empêcher les journalistes de témoigner de cette ignominie, le juge décide, à la demande du procureur, de confisquer leurs carnets de notes ! Pitoyable réaction de notables de province qui réalisent brusquement que leurs dérapages de Pieds Nickelés risquent de plomber une carrière jusque-là prometteuse.
Dans ce climat de reddition idéologique qui a consacré le triomphe de l’obscurantisme au nom d’une réconciliation frelatée, même les « élites éclairées » ont fini par abdiquer leur devoir de vigilance pour se confondre en génuflexions devant les nouvelles règles du jeu. Là où il s’agit de réaffirmer avec force la liberté de conscience, des exégètes de bistrot invoquent la « tolérance de l’Islam envers les gens du livre » pour concéder aux pratiquants de « cultes non musulmans» quelques strapontins de sous-citoyens. Briguant la palme du grotesque, ils présentent Habiba K., sans l’avoir jamais rencontrée, comme une menace… géostratégique (!), une Mata Hari du goupillon émargeant aux caisses noires de la CIA et du Mossad, et dont la pratique spirituelle ne serait qu’une tenue de camouflage pour « ébranler les peuples musulmans».
Vingt ans après la tragédie d’octobre 1988, le pays peine à exorciser ses vieux démons, et consacrer les libertés écrasées par le rouleau compresseur des arrangements claniques et des recompositions de sérail. Au nom de l’état d’urgence qui couvre bien des turpitudes, les institutions sont verrouillées, les manifestations interdites, les partis d’opposition laminés, les journalistes libres bâillonnés, les syndicalistes autonomes matraqués, la spiritualité soumise à licence.
Cette mise au pas de la société est grosse de risques. Elle a déjà enfanté l’émeute généralisée comme ultime moyen d’expression, la tragédie des « harraga » qui finissent en prison lorsqu’ils échappent à la mort, et plus grave encore, des affrontements communautaires.
Pour conjurer « l’ordre nouveau » des cagoulards, qui préparent dans l’ombre de terribles guerres ethniques, tribales et religieuses, il n’y a aucun miracle à attendre de l’Occident, ni des « segments modernistes » du sérail. L’heure est à la mobilisation, autonome et déterminée, pour imposer les libertés fondamentales aux tentations fascisantes, la pluralité de nos convictions à l’unicité de pensée, et le respect de nos différences à l’uniformisation sclérosante.
Avant d’affronter d’hypothétiques menaces étrangères, rappelons haut et fort que les chrétiens algériens sont d’abord des citoyens. Et dans une République, les citoyens sont tous soumis aux mêmes lois, qu’ils soient musulmans malékites, ibadites, chiites, agnostiques, catholiques, protestants, juifs, bouddhistes, ou athées… Tout comme ils ont droit au même respect de leurs convictions et à la pratique libre de leur culte, tant qu’ils ne les imposent pas aux autres par la contrainte.
La « christianophobie » qui a réduit les néo-convertis à vivre leur foi dans la clandestinité n’est, en fin de compte, qu’une diversion de faux dévots et de vraies canailles visant à occulter la jonction de l’autoritarisme officiel avec l’intégrisme sanguinaire recyclé. D’abord consommée dans les coulisses du sérail, cette sainte alliance s’affiche désormais au grand jour. Devant le gotha national-islamiste réuni jeudi dernier à la place des Martyrs d’Alger, le Premier ministre en uniforme de grand calife a décrété que le Coran « représente la Constitution de la société algérienne ! » Un coup d’Etat sur tapis de prière qui n’a suscité aucune réaction d’indignation.
Dans la sphère privée, toutes les croyances sont respectables. Instrumentalisée à des fins politiques, toutes les religions sont potentiellement liberticides et peuvent engendrer de terribles drames et des fleuves de sang. Aux persécutions en cours, répondent, outre Méditerranée, les vociférations de l’extrême droite qui exigent, avec une certaine logique il faut le reconnaître, l’application du principe de réciprocité. Les Algériens ont prohibé la bible ? Interdisons le Coran. Ils ferment des églises ? Détruisons les mosquées. Ils expulsent des prêtres ? Renvoyons Dalil Boubekeur, le recteur de la Mosquée de Paris, à son douar d’origine. En dépit des apparences, « croix et croissant gammés » se rejoignent en fin de compte dans un même combat : celui de l’intolérance, de l’exclusion et de la haine.
Un signe d’espoir, « l’appel à la tolérance et au respect des libertés », publié en mars dernier par un groupe d’intellectuels algériens, a recueilli plus de 2500 signatures. Dépassant leurs divergences, ils ont dénoncé les violations des libertés démocratiques, réaffirmé le droit de chacun de pratiquer le culte de son choix, ou de ne pas pratiquer, proclamant ainsi cette farouche volonté de vivre ensemble, dans le respect de chacun.
Des dizaines de personnalités maghrébines, françaises et européennes ont soutenu cette initiative. En attendant d’autres formes de lutte plus déterminées, mais toujours pacifiques, les regards sont braqués sur le tribunal de Tiaret, où se joue le sort d’une femme, coupable d’avoir prié sans l’autorisation des gardiens du temple. Quel que soit le verdict qui sera prononcé, Habiba K. est déjà un symbole de courage et de liberté.

A.A.-L.
* Journaliste
(El watan – 27 Mai 2008.)

Publié dans 2- Faut-il brûler Habiba K.?, AFFAIRE HABIBA KOUIDER | Pas de Commentaire »

Tribunal de Tiaret: l’inquisition

Posté par soslibertes le 12 avril 2009

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Dessin Hichem (Le Hic, Le Soir d’Algérie)


1- Le Figaro (21/05/2008)

Procès pour « délit de chrétienté » en Algérie

MAGHREB

Interpellée en possession de bibles et d’évangiles, Habiba Kouider est accusée de « pratiquer un culte non musulman, sans autorisation ». Notre correspondant a suivi son procès hier.

De notre envoyé spécial à Tiaret : Arezki AÏT-LARBI

LE TRIBUNAL correctionnel de Tiaret a abrité, hier, un procès surréaliste. L’accusée, Habiba Kouider, une chrétienne de 37 ans, est éducatrice dans une crèche. Elle comparaît pour détention de livres religieux, un délit passible de prison depuis l’adoption, en février 2006, de la loi qui réglemente « les cultes non musulmans ». Le 29 mars 2008, alors qu’elle se rendait en bus d’Oran, où elle fréquente l’école biblique, à Tiaret, son lieu de résidence, elle est interceptée par des gendarmes. Dans son sac, ils découvrent les pièces à conviction: des bibles et des évangiles. Ils l’arrêtent et la transfèrent à la police, qui la place en garde à vue. Plusieurs officiers se relaient alors pour un interrogatoire humiliant de la «mécréante ». Le lendemain, elle est présentée au procureur, qui lui propose un curieux marché: « Tu réintègres l’islam, et je classe le dossier ; si tu persistes dans le péché, tu subiras les foudres de la justice ! » Réservée, presque timide, Habiba Kouider a peur, mais elle refuse de renier sa foi.

Trois ans de prison requis

Hier, face au juge qui la presse de questions ironiques, elle répond avec dignité. « Quelle est ta religion ? » demande le magistrat. « Je suis chrétienne. Je me suis convertie en 2004 à l’église d’Oran », répond-elle d’une voix presque inaudible. Avec un sourire méprisant, le juge reprend : « Les curés t’ont fait boire leur eau bénite qui mène au Paradis. » Elle ne répond pas.
En remarquant la présence de journalistes dans la salle, le juge les interpelle : « Avez-vous une autorisation pour prendre des notes? » Me Khelloudja Khalfoun, qui défend l’inculpée, intervient : « L’audience est publique, les journalistes ont le droit d’être là. » Lorsque les robes noires de Tiaret, sollicitées pour « défendre la chrétienne », se sont défaussées, les dignitaires de l’Église protestante se sont tournés vers cette avocate du barreau de Tizi-Ouzou, rompue aux procès sensibles. Le juge perd son calme, menace de « prendre des mesures », avant de confisquer les carnets des journalistes !
Sous le regard de la presse, les magistrats perdent de leur arrogance. Sans conviction, le procureur rappelle que « l’islam est religion d’État » avant de requérir trois ans de prison ferme. Me Khalfoun plaide « la liberté de conscience garantie par la Constitution » et demande la relaxe de sa cliente. Un résumé de deux visions antagonistes qui s’affrontent dans la société algérienne. Le verdict sera rendu le 27 mai. Le même jour, devant le même tribunal, six autres chrétiens comparaîtront pour « distribution de tracts visant à ébranler la foi des musulmans ».
Depuis janvier 2008, les procès pour « délit de chrétienté » se sont multipliés dans l’Ouest algérien, notamment à Oran, Mascara et Bel-Abbès. Comme les militants d’opposition de la dictature du parti unique, les néoconvertis sont contraints de vivre leur foi dans la clandestinité. Sans rire, le ministre algérien des Affaires religieuses se veut rassurant : « La communauté chrétienne jouit de tous les droits ; mais nous luttons contre les sectes ! »

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2 – El Watan (21/05/2008)

Convertie il y a quatre ans au christianisme

Habiba jugée hier à Tiaret

Le procureur a requis la peine de trois ans de prison ferme à l’encontre de K. Habiba pour pratique « sans autorisation d’un culte non musulman ». Le ministère des Affaires religieuses s’est constitué « partie civile » dans cette affaire. Le verdict est attendu pour mardi prochain. 6 membres de la même église seront jugés le même jour à Tiaret.

Tiaret. De notre envoyé spécial : Mohand Aziri

C’est le chemin de croix qui commence pour Habiba. Elle est de l’ouest du pays, de Tiaret, elle a la foi chrétienne et elle risque trois ans de prison ferme. Habiba K., la trentaine bien entamée, convertie il y a quatre ans au christianisme, a été jugée hier en correctionnelle par le tribunal de Tiaret. La jeune femme, ancienne employée d’une crèche à Oran, est accusée par le ministère public de pratiquer un « culte non musulman sans autorisation ». Une première dans les annales judiciaires. La situation est d’autant plus inédite, car il s’agit du premier procès où la pratique libre de la foi chrétienne est vertement remise en cause. Jusque-là, l’appareil judiciaire s’est borné à juger les affaires liées au prosélytisme. Une dizaine de procès a été intentée dans ce sens à travers de nombreuses villes du pays, Oran, Mascara, Sidi Bel Abbès, Béjaïa,… et plusieurs membres de l’Eglise protestante ont été condamnés à des peines de prison avec sursis, assorties d’amendes lourdes allant jusqu’à 500 000 da. Face à son juge, Habiba n’avait pas hier le cœur au reniement, ni aux dérobades. Zen, la voix presque éteinte, de nature, elle assumera au prétoire, sans détour, avoir choisi Al Massih, le Christ. Une vingtaine de jours auparavant, elle tenait tête au procureur de la République et refusa d’abandonner sous la contrainte sa nouvelle foi. « C’est soit le tribunal, soit la mosquée », lui aurait signifié le procureur. Au juge qui la bombarde de questions, un ton moqueur, un ton amène, elle raconte sans s’encombrer de détails et dans un silence religieux sa passion, ses premiers pas dans l’église et son arrestation fin mars par les gendarmes de Tiaret. « A l’église, on t’a fait passer l’examen d’admission céleste ? », lui demande le juge. Silence dans la salle. « On t’a fait boire l’eau qui te mènera droit au paradis », revient encore à la charge le magistrat après que Habiba ait fait mine de ne pas comprendre la question. Elle répond par un « oui ». Un « oui » qui doit signifier qu’elle a été baptisée. Le juge lui demande de nouveau pourquoi elle transportait dans ses bagages une quantité d’ouvrages religieux, des évangiles notamment. «On n’en a cure que vous deveniez chrétienne ou bouddhiste, c’est entre vous et votre Créateur, dites-nous que faisiez-vous avec tous ces livres. »

Le délit imaginaire

« Je revenais par bus d’Oran, répond-elle, où j’étudie à l’Ecole d’études bibliques. A l’entrée de la ville, les gendarmes qui dressaient un barrage sur la route sont montés dans le véhicule et sont venus directement vers moi et ont fouillé mes bagages. J’avais des livres sur moi. Mes livres à moi. » Le procureur, silencieux depuis l’ouverture de la séance, l’interrompt brusquement : « Que faisiez-vous avec une douzaine d’exemplaires du même livre ? Ce n’est quand même pas pour votre usage personnel ? Vous les distribuez à votre entourage, n’est-ce pas ? Vous prêchez avec la parole chrétienne ? », s’adresse-t-il à la frêle silhouette de Habiba. Le délit imaginaire. Il n’en fallait pas plus pour enflammer l’avocate, Me Khalfoun, du barreau de Tizi Ouzou. Venue expressément à Tiaret pour assurer la défense de Habiba, après que certains avocats de la ville aient refusé de plaider dans cette affaire, Me Khalfoun, connue surtout après les retentissants procès des émeutiers du « printemps noir » de Kabylie et des « gendarmes assassins », bat en brèche les accusations du ministère public qui, dit-elle, ne reposent sur aucun fondement juridique. « On ne juge pas sur les intentions, mais sur les actes », plaide-t-elle. L’infraction est à ses yeux « imaginaire » et n’est étayée par aucun texte juridique. « Dois-je rappeler à ce propos l’un des sacro-saints principes du droit pénal, à savoir qu’il ne peut y avoir accusation ou condamnation sans texte réglementaire », s’adresse-t-elle au tribunal. L’article 11 de l’ordonnance de février 2006 fixant les règles et conditions d’exercice des cultes autres que musulman, explique l’avocate, ne peut être appliqué au cas de Habiba. « Lorsque ma cliente a été arrêtée, elle n’était pas en train de prêcher. Elle ne distribuait pas des bibles. Elle était assise seule dans ce bus qui l’a ramenée chez elle », déclare Me Khalfoun. L’article 11 en question traite uniquement des cas flagrants d’« incitation, d’utilisation de moyens de séduction » afin de convertir des «musulmans à une autre religion » dans les lieux publics et aussi la fabrication et la distribution de documents imprimés ou audiovisuels visant à « ébranler la foi des musulmans ». Des infractions passibles d’une peine de 2 à 5 ans de prison et à une amende allant de 500 000 à 1 million DA. Dans l’ordonnance précitée, aucune « trace » d’une éventuelle mise en accusation d’individus pour « pratique sans autorisation d’un culte autre que musulman ». Autant dire, une « invention » du parquet. Pis, s’interroge Me Khalfoun, « quelle est cette autorité, morale ou administrative, habilitée à délivrer une autorisation pour pratiquer telle ou telle religion ? » Tout en réclamant l’acquittement de sa cliente, l’avocate de la défense en appelle au respect de la Constitution qui garantit à toute personne le droit à la liberté de la pensée, de la conscience et de la religion. L’avocat de la partie civile (la direction des affaires religieuses de la wilaya de Tiaret dont est originaire l’actuel ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Abdallah Ghlamallah, Ndlr) se contentera de déclarer au tribunal que les tentations d’évangélisation représentent une « menace pour la sécurité nationale ». Rappelons que récemment, le ministre des Affaires religieuses a nié toute « persécution » à l’encontre des convertis au christianisme et a déclaré, suite notamment aux pressions de la communauté internationale, que l’Etat algérien ciblait uniquement les «sectes ». Mardi prochain, six autres membres de la communauté chrétienne de Tiaret seront jugés par le même tribunal pour prosélytisme. Le verdict du « procès Habiba », qui ne manquera certainement pas de faire des remous, sera connu le jour même.

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3 – El Watan (22/05/2008)

Me Khelloudja Khalfoun (avocate de Habiba Kouider) :

« Le procureur a agi selon des considérations privées, religieuses et sentimentales »

El Watan: Kouider Habiba est poursuivie en justice pour « pratique d’un culte non musulman sans autorisation ». Est-ce que la loi exige une autorisation pour pratiquer une religion autre que l’Islam ?

Me Khalfoun: Il n’y a aucun texte de loi qui conditionne la pratique d’un culte non musulman à une autorisation. Il n’y en a pas. Ce qui s’est passé hier devant le tribunal de Tiaret relève de l’hérésie juridique, parce que c’est une violation flagrante d’un très grand principe de droit qui dit qu’il n’y a pas de peine sans un texte de loi. Vous pouvez chercher dans le code pénal et dans l’ordonnance de 2006, vous ne trouverez aucune trace de ce texte de loi.

Donc si le tribunal de Tiaret condamne quand même Habiba pour ce chef d’accusation imaginaire, ce serait vraiment un précédent très grave. Le fait d’avoir en sa possession des livres religieux est-ce un délit ? Y a-t-il des textes de loi interdisant ce fait ?

Non ! Il n’y a aucune loi qui interdit aux gens d’avoir en leur possession des livres religieux. Il y a une disposition de l’ordonnance de 2006 qui interdit d’avoir en nombre des fascicules et des livres et les distribuer en vue d’ébranler la foi des musulmans. Pour Habiba, on lui reproche de pratiquer un culte non musulman sans autorisation. Je vous le dis et je le répète, il n’y a aucun texte qui condamne cela. Au contraire, c’est un acte licite qui est garanti et protégé par la Constitution. La Constitution parle bien de la liberté de culte et la considère comme sacrée. La Constitution est le sommet de l’organigramme juridique algérien, donc émettre des jugements contraires à ce principe est une grave violation de la loi.

Habiba Kouider a-t-elle des chances de ne pas être condamnée mardi prochain ?

Je ne peux pas vous le dire. C’est selon le juge. Mais selon le droit, elle ne devrait pas être condamnée parce qu’il n’y a pas de dispositions de loi. Si elle est condamnée pour un acte licite, ce serait très grave. La loi ne condamne que pour des actes illicites. Pour qu’on puisse condamner quelqu’un devant un tribunal, il faut que l’acte qu’il commet soit cité dans le code pénal et qu’il soit condamnable par le code pénal.

Vous ne croyez pas qu’il y a eu une mal-interprétation de l’ordonnance de février 2006 ?

Ce n’est pas seulement une mal-interprétation. Le magistrat ou le procureur de la République n’a pas agi en fonction de la loi et uniquement de la loi, mais il a agi selon des considérations privées, religieuses, sentimentales et autres… que la loi lui interdit. En principe, c’est la loi de la République qui devrait être appliquée. Quand on est devant un tribunal, on n’est redevable que de la loi. On ne devrait pas être aveuglé par aucune sensibilité, qu’elle soit religieuse, politique ou autre.

Propos recueillis par Madjid Makedhi

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4- Le Figaro (28/05/2008)

La justice algérienne persécute encore les chrétiens

MAGHREB

Si le tribunal a demandé un complément d’enquête pour le procès d’une Algérienne accusée de prosélytisme, il a requis deux ans de prison contre six jeunes convertis.

De notre envoyé spécial à Tiaret : Arezki AÏT-LARBI

SOUS la pression de la presse francophone et des militants des droits de l’homme, mobilisés en faveur de Habiba Kouider, la justice a reculé. Malgré les trois ans de prison ferme requis le 20 mai par le procureur contre la jeune chrétienne, arrêtée fin mars en possession de bibles, le tribunal a ordonné « un complément d’information ». Cette décision mitigée permet à la justice de gagner du temps, faute d’une condamnation qui risquait de la discréditer. Hier, dans la salle d’audience correctionnelle du tribunal de Tiaret pleine à craquer, le climat était détendu.
Mais l’inquisition continue. Six Algériens convertis au christianisme ont comparu pour « distribution de tracts visant à ébranler la foi des musulmans ». Faute d’église, ils s’étaient réunis au domicile de l’un d’entre eux, pour prier clandestinement. À leur sortie, des policiers en civil les ont arrêtés avant de les présenter au parquet.
Face au juge, qui les interroge sans conviction, ils répondent sans détour. Rachid, locataire de l’appartement, est considéré par les autorités comme le prédicateur, le « cerveau » du groupe. Cet informaticien de 32 ans, marié et père d’un enfant, est un « récidiviste », déjà condamné pour « prosélytisme » à trois ans de prison par le tribunal d’Oran, et à deux ans par celui de Tissemsilt. Au juge qui lui demande « étiez-vous en train de prêcher ? », il répond : « nous sommes un groupe d’amis, nous débattions de notre foi chrétienne. »
K. Mohammed avait transporté Rachid dans sa voiture le jour de son interpellation. Lorsque le juge interroge cet opticien de 53 ans sur sa religion, il manque de s’étrangler en entendant la réponse : «C’est personnel, mais je suis musulman !» A cette même question, Abdelkader, soudeur de 32 ans, qui reconnaît avoir débattu de religion chez Rachid, répond sans complexe: «chrétienne!» Tout comme ses trois autres « complices», Chabane, pâtissier de 26 ans, Abdelhak, informaticien de 28ans, et Djalil, un vétérinaire quadragénaire.

“Délinquants religieux”

Lundi, le parquet général de Tiaret a ainsi justifié les poursuites : « Les inculpés s’adonnaient à des rites chrétiens et étaient en possession d’évangiles et de CD expliquant les préceptes de cette religion. » Hier, en présence d’une quinzaine de journalistes algériens et étrangers, la machine à condamner à tour de bras s’est grippée. Le procureur a tenté de jouer l’apaisement : « La liberté de culte est garantie. L’appartement où ils se réunissent est un lieu de culte clandestin. Quiconque veut pratiquer un autre culte que l’islam doit obtenir une autorisation officielle pour l’ouverture d’une église.» Et de requérir deux ans de prison ferme et 500 000 dinars (environ 5 000 euros). Lorsque Me Khlafoun, la courageuse avocate de la défense prend la parole, la salle l’écoute dans un silence… religieux. Au-delà du procès d’intention, les charges contre ces « délinquants religieux » sont bien maigres : un agenda, un carnet et un livre religieux. « Quels tracts ont-ils distribués ? Quels sont les musulmans dont ils auraient “ ébranlé la foi”? » s’interroge-t-elle. Textes de loi à l’appui, l’avocate soutient que « si l’autorisation concerne les lieux de culte, quelle autorité est habilitée à trancher le choix individuel d’un culte ? » Puis elle conclut : « Nous avons un pays en commun, mais chacun est libre de sa religion. Trop de sang a coulé dans ce pays. Tirons les leçons du passé ! » Dans la salle, fusent des applaudissements, vite étouffés par le service d’ordre. Verdict le 3 juin.

Publié dans 1- Tribunal de Tiaret: l'inquisition, AFFAIRE HABIBA KOUIDER | Pas de Commentaire »

INDIGNATION CONTRE LE PROCES ET SOUTIEN A HABIBA KOUIDER

Posté par soslibertes le 11 avril 2009

ALGERIE

Soheib BENCHEIKH (ex Muphti de Marseille) :

(Interview El watan du 29/05/2008)

« Il faut protéger ceux qui épousent d’autres religions »

Réagissant au procès intenté contre la jeune Habiba K., poursuivie par le tribunal de Tiaret pour « pratique sans autorisation d’un culte non musulman » et à la polémique autour de la campagne d’évangélisation en Algérie, le mufti de la mosquée de Marseille, Soheib Bencheikh, dans un entretien à El Watan, dénonce ce qu’il qualifie d’« atmosphère asphyxiante dont souffre la communauté chrétienne en Algérie ». En homme de culte, il appelle également au respect des autres religions pour « permettre aux musulmans de s’épanouir ». De la même manière qu’il recommande aux autorités chargées du culte en Algérie de mettre en conformité leurs discours avec les préceptes de l’Islam. Soheib Bencheikh souhaite, par ailleurs, que le président Bouteflika intervienne pour « apaiser cette atmosphère ».

Habiba K., une jeune femme algérienne, est poursuivie en justice pour pratique sans autorisation d’un culte non musulman. Quelle est votre réaction ?

Cette affaire est devenue internationale. On a l’impression que le mot christianisme est devenu une accusation. Les législateurs et les moralistes ne peuvent pas pénétrer la conscience des individus. Pratiquer le culte de son choix dans sa sphère privée (sa maison, son jardin…) échappe totalement à l’administration, et normalement cette dernière doit faire en sorte à ce qu’il y ait respect conformément à la Constitution, aux conventions internationales ratifiées par l’Algérie et aux Déclarations universelles des droits de l’homme, de la pratique des cultes. L’idée des frontières des religions qui s’identifient à des frontières des nations est complètement archaïque et obsolète. Tout un chacun est totalement libre d’épouser la philosophie ou la confession de son choix. Donc, non seulement cette affaire est injuste, elle est inefficace ; on ne peut pas forcer les consciences.

Puisque les lois de la République sont inspirées de la charia, est-ce que l’Islam interdit la pratique des autres cultes ?

Dans le fiqh (exégèse), qui est une œuvre humaine, il y a un hadith (un dit du Prophète) qui dit : « Celui qui change sa religion, tuez-le. » Mais le hadith ne peut pas abroger les dizaines de versets coraniques explicites. Deuxièmement, ce hadith s’explique par les circonstances de l’époque, lorsque les musulmans étaient affligés par une coalition intertribale. Donc changer sa religion était considéré comme une haute trahison. Ce hadith s’explique par l’atmosphère guerrière (c’était une situation de loyauté ou d’allégeance). Le Coran, qui est notre fierté, accorde la liberté religieuse la plus absolue (plusieurs versets coraniques parlent de cela). Le peu d’arguments que nous avons pour montrer qu’il y a une possibilité pour la résurrection de l’Islam et que tout n’est pas perdu, il ne faut pas le toucher. L’Algérie est une grande nation et dans toutes les grandes nations, les opinions philosophiques et confessionnelles peuvent cohabiter. En plus, c’est un bon signe de l’ouverture de ce pays. Pour mener un dialogue et s’enrichir mutuellement, il faut que l’autre existe. C’est l’autre qui m’enrichit, ce n’est pas mon semblable. Je deviens utile par ma banalité quotidienne pour l’autre et pas pour mon semblable. C’est pourquoi, j’ai dit que c’est injuste et inefficace. Injuste parce que le juge ne peut pas pénétrer les consciences, sauf s’il y a confusion avec l’hypocrisie pour avoir une religiosité de façade. Ce qui est le cas malheureusement de plusieurs sociétés musulmanes. Inefficace, puisque c’est contraire aux droits élémentaires de l’homme. Un droit garanti par la Constitution et par les Déclarations universelles des droits de l’homme.

Justement, est-ce qu’il ne faut pas faire adapter les textes législatifs à l’évolution mondiale en appliquant les principes de l’Islam que vous venez d’évoquer ?

 

C’est une régression ! La Constitution garantit les libertés des cultes, l’Algérie est signataire des Déclarations universelles des droits de l’homme qui consacrent explicitement la liberté d’opinion philosophique, politique et religieuse. Donc, c’est une contradiction avec nous-mêmes, doublée d’une démarche stérile qui fait fuir l’autre. Une religion sûre d’elle-même ne craint pas l’autre, ne craint pas la comparaison et la mise en cause. Sauf les religions qui ne sont pas sûres d’elles-mêmes qui se cultivent dans l’ombre et à l’abri de tout regard. Et ce n’est pas le cas de ma religion. Il faut respecter, au nom de la religion, le choix de ceux qui veulent épouser une autre confession. Ceux qui s’opposent à cela au nom de la tradition, de l’Islam, l’union de la nation… croient que ce pays vacille facilement et notre religion tremble à cause des conversions des uns et des autres. Si nous voulons vraiment montrer la solidité de nos principes et la force de nos convictions, nous ne devons pas craindre celui qui épouse une démarche contraire. Ce n’est pas seulement un simple avis d’un théologien, mais c’est un engagement personnel. J’incite les Algériens ayant un minimum de bon sens de foi musulmane à protéger ceux qui veulent épouser le christianisme ou toute autre religion. Les déclarations de l’Association des oulémas et celles du ministère des Affaires religieuses doivent être beaucoup plus cohérentes avec les principes de l’Islam. L’Islam qui a traduit les philosophies les plus semeuses de doute et qui a protégé le manichéisme, les religions dualistes, le christianisme et ses branches, le judaïsme… ne peut aujourd’hui tourner le dos à son histoire. Si Habiba veut se convertir au christianisme et l’autre trouve sa spiritualité dans la personne du Christ, je ne partage pas leur avis, mais je ferai tout pour qu’ils l’expriment.

L’Algérie connaît, depuis quelques mois, une vraie polémique autour d’une campagne dite d’évangélisation. L’Islam est-il vraiment menacé en Algérie ?


Nous sommes trop convaincus par notre vérité et nous sommes trop à l’aise dans nos certitudes. Il est anormal que nous, les musulmans, faisons tout pour vivre notre foi et notre culte dans la dignité totale et dans la beauté et la liberté dans les pays occidentaux, alors qu’en Algérie qui est le berceau du christianisme, on le craint. On ne peut protéger sa religion que dans un dialogue. Parce qu’on ne peut pas vérifier la véracité de nos certitudes qu’à travers l’affrontement. Sinon, on risque de vieillir et de se scléroser sans le savoir. La vivacité d’une religion se confirme quand elle est en contact avec lesdites vérités. Franchement, je ne vois pas où se trouve la menace. Au contraire, la menace réside dans cette atmosphère qui s’apparente à une nouvelle inquisition qui est dangereuse et pour l’Islam et pour les musulmans. Il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup de musulmans dans les pays non musulmans que dans les pays musulmans. Je m’adresse au président de la République qui est garant de la Constitution et qui est le seul qui puisse arbitrer dans cette affaire et apaiser cette atmosphère. On ne possède pas sa foi, et cette dernière n’est pas un choix et n’émane pas d’une activité cérébrale, mais ce sont des interrogations qui se soulèvent à l’intérieur de nous et malgré nous.

Madjid Makedhi

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Mustapha BOUCHACHI(Ligue algérienne de défense des Droits de l’Homme) :


« Les procès contre les convertis ont terni l’image de l’Algérie »

 

(…) Evoquant l’affaire Habiba K., Me Bouchachi regrette « le comportement de la justice qui a donné l’occasion à l’Occident de nous traiter de pays qui ne respecte pas ses engagements et qui ne tolère pas les autres religions ». « Les personnes qui ont agi de la sorte ont porté atteinte et fait aussi du mal à l’Islam », a regretté Me Bouchachi qui avoue que la position affichée envers cette affaire est contraire aux textes de loi qui garantissent les libertés.

Nabila Amir (El Watan du 07/06/2008)

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Boudjemâa GHECHIR (Ligue algérienne des Droits de l’Homme)

(E l Watan 22/05/2008)

“L’Islam reconnaît et respecte les autres religions”

“Ce cas est très grave. Il n’y a absolument aucun texte de loi qui exige une telle autorisation. La loi est claire et elle consacre la liberté de culte. Chaque personne a le droit de pratiquer la religion qui lui convient. De quel droit interdit-on aux gens de pratiquer une religion autre que musulmane ? Pour revenir au cas de la jeune Habiba, je pense que le fait d’avoir en sa possession des exemplaires de la Bible n’est pas un délit. Elle n’a pas été prise en flagrant délit. De plus, même l’Islam reconnaît et respecte les autres religions. Je ne vois pas pourquoi on recourt à des arsenaux juridiques qui, plus grave encore, sont mal interprétés pour faire respecter une religion ? Ce n’est pas de cette manière qu’on protège la religion musulmane. On ne peut pas interdire aux gens d’exercer une autre religion. Il y a un véritable amalgame et une incompréhension de la loi et de l’Islam”.

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Louisa HANNOUN (secrétaire générale du Parti des travailleurs)
(Liberté 07/06/2008)

« La campagne sur l’évangélisation est surdimensionnée »

“ Il ne faut pas confondre entre la pratique d’une autre religion et l’évangélisation “, a-t-elle expliqué. Elle précise que son parti s’est abstenu de voter sur l’ordonnance 2006 concernant la pratique du culte. Intérrogée sur l’affaire Habiba accusé d’évangélisation, la secrétaire du parti a déclaré : “ Selon les informations qui ont été rapportées par la presse, il n’ y a pas eu de preuve tangibles”.
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FRANCE

Rama Yade (secrétaire d’Etat au Droits de l’Homme)

“Triste” et “choquant”-

(Radio J – 25 mai 2008):

« C’est triste, c’est choquant, d’abord parce que cela contrevient à la déclaration universelle des droits de l’Homme. Conformément à l’article 18 de la déclaration universelle des droits de l’Homme et conformément à la tradition d’hospitalité de l’Algérie, je crois que ce serait bien d’avoir un geste de clémence ».

- A une question écrite du député (UMP) Christian Vanneste, la secrétaire d’Etat aux droits de l’homme a répondu le 5 septembre 2008 :


« La France défend, en Algérie comme partout ailleurs, la liberté de culte et de conscience, inscrite dans l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Pour sa part, la Constitution algérienne garantit, elle aussi, la liberté de culte. Historiquement, l’Algérie a toujours été une terre de tolérance pour les non-musulmans et, notamment, les chrétiens. L’action de l’émir Abdel Kader, qui a offert sa protection aux chrétiens de Damas, témoigne de cette ouverture. Plus récemment, l’Église catholique d’Algérie est demeurée aux côtés du peuple algérien pendant les années de terrorisme. Aujourd’hui même, au moment où certains chrétiens d’Algérie paraissent en butte à des difficultés, un débat public très vif a lieu en Algérie, notamment dans la presse, à l’occasion duquel beaucoup d’intervenants rappellent leur attachement à la liberté de culte et à la tradition d’ouverture du pays. Le ministère des affaires étrangères et européennes suit avec une grande attention la situation des chrétiens d’Algérie. Si l’exercice des cultes relève exclusivement des autorités algériennes, la France a toujours veillé à entretenir avec elles un dialogue régulier sur cette question. L’attention de nos interlocuteurs a ainsi été plusieurs fois appelée, y compris à haut niveau, sur le sort réservé aux chrétiens d’Algérie. Les services du ministère des affaires étrangères et européennes sont également en contact régulier avec les autorités ecclésiastiques, en France comme en Algérie. Les 21 et 22 juin 2008 le Premier ministre François Fillon a rencontré Mgr Teissier, ancien archevêque d’Alger, et a visité la basilique Notre-Dame-d’Afrique, qui symbolise justement la tradition de tolérance et d’ouverture dont l’histoire algérienne est empreinte. Il faut enfin souligner que le sort réservé aux chrétiens fait l’objet d’un débat au sein même de la société algérienne : le cas de Habiba Kouider, récemment inculpée pour prosélytisme, a ainsi suscité de nombreuses réactions dans la presse nationale algérienne. Au-delà de ce cas particulier, les autorités françaises continueront de suivre avec attention la situation de liberté de conscience et de cultes, en Algérie comme partout ailleurs. »

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FIDH (Fédération Internationale des Droits de l’Homme) :

(Communiqué du 28/05/2008)

Des chrétiens victimes d’une « chasse aux sorcières »

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) exprime ses plus vives préoccupations alors qu’un procès vient de se dérouler à Tiaret en Algérie à l’encontre d’une Algérienne convertie au christianisme et accusée de « pratique sans autorisation d’un culte non musulman ». Habiba Kouider est passible d’une peine de trois ans de prison ferme. Le verdict qui devait être prononcé le 27 mai 2008, a été reporté pour complément d’information.
Habiba Kouider a été arrêtée le 29 mars 2008 par des gendarmes alors qu’elle était en possession d’une douzaine d’exemplaires de la bible. Selon les informations reçues, lors du procès qui a débuté le 20 mai, le procureur s’est également attaché à démontrer que la prévenue était coupable de prosélytisme, pratique interdite par l’ordonnance n°06-03 du 28 février 2006 dont l’article 11 criminalise le fait pour toute personne de tenter de convertir un musulman à une autre religion et de fabriquer, entreposer, ou distribuer des documents (…) qui « visent à ébranler la foi d’un musulman ».
La FIDH considère que l’accusation de « pratique sans autorisation d’un culte non musulman » et le procès intenté contre Habiba Kouider constituent une violation du droit à la liberté de religion garanti par l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l’Algérie en 1989, par l’article 36 de la Constitution algérienne qui garantit la liberté de conscience ainsi que par l’article 2 de l’ordonnance n°06-03 garantissant le libre exercice du culte.
La FIDH rappelle par ailleurs, l’observation de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction faite aux autorités algériennes suite à l’adoption de l’ordonnance n°06-03 et qui rappelle que le paragraphe 3 de l’article 18 du Pacte ne prévoit des restrictions « à la liberté de manifester sa religion » que dans des cas très exceptionnels et que donc «toute restriction généralisée imposée par l’Etat (par exemple par le biais de la loi) pour protéger la liberté de religion (…) d’autrui est à éviter ». La Rapporteuse spéciale a estimé par ailleurs, que les Etats devaient éviter d’adopter des lois criminalisant des actes conduisant à une conversion « abusive », notamment dans les cas où « ces lois seraient applicables même en l’absence de plainte du converti ».
La FIDH est d’autant plus préoccupée que cette poursuite judiciaire abusive, s’inscrit dans un contexte de répression accrue envers des représentants de la communauté chrétienne en Algérie. Ainsi, le même jour, le tribunal de Tiaret jugeait six algériens convertis au christianisme pour “diffusion de tracts visant à ébranler la foi des musulmans”, le parquet a requis deux ans de prison ferme à leur encontre. Le verdict est attendu le 3 juin. Plusieurs religieux se sont au cours des derniers vus refuser leur visa d’entrée en Algérie. Un prêtre a par ailleurs, été condamné à deux mois de prison avec sursis pour avoir prié au moment de la fête de Noël avec un groupe de clandestins subsahariens chrétiens.
La FIDH appelle les autorités algériennes à respecter et à garantir la liberté de religion conformément à sa constitution et à ses engagements internationaux et à amender l’ordonnance n°06-03 afin que son application ne permette plus des poursuites arbitraires à l’encontre de représentants des communautés religieuses non-musulmanes en Algérie.


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LDH (Ligue des Droits de l’Homme) :

(Communiqué du 26/05/2008)

Soutien aux voix algériennes

Ce mardi 27 mai, le tribunal de Tiaret va rendre son verdict contre une jeune femme convertie depuis quatre ans au christianisme pour pratiquer « un culte non musulman sans autorisation ». Sept autres membres de la communauté chrétienne de cette ville seront aussi jugés le même jour pour prosélytisme.
Cela fait déjà plusieurs mois que les minorités chrétiennes subissent une sorte de harcèlement. Le pasteur Hugh Johnson a été obligé de quitter l’Algérie alors qu’il y résidait depuis quarante-cinq ans. Deux instituteurs algériens convertis ont été radiés de l’enseignement. Un prêtre catholique français d’Oran a été condamné à de la prison avec sursis pour avoir organisé un culte avec des migrants subsahariens. Pourtant la constitution algérienne garantit la liberté de culte et de conscience.
La Ligue française des droits de l’Homme s’inquiète vivement de la situation que connaissent les minorités religieuses aujourd’hui en Algérie. Elle apporte son soutien aux voix algériennes, de journalistes et d’intellectuels qui ont lancé dès le 17 mars un appel à la tolérance et pour le respect des libertés.
La liberté de conscience, celle de croire comme celle de ne pas croire, font partie des droits fondamentaux indérogeables que protègent les conventions internationales auxquelles l’Algérie est partie. Aucune atteinte à ces libertés n’est tolérable d’où qu’elle advienne et quels qu’en soient les auteurs.

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Benjamin STORA (historien) :

(Médiapart du 06/06/2008)

“Signe d’espoir”

(…) Silence du Président de la République algérienne, crise de la réconciliation nationale et résurgence de violence venant d’une jeunesse amnésique, mal vivre de la population et difficultés économiques, toutes ces raisons peuvent, bien sûr, être évoquer. A quoi, il faut ajouter celle des libertés publiques. Car au moment même où se développaient les émeutes de la jeunesse à Oran, se déroulait un autre événement qui allait davantage retenir l’attention des médias internationaux : l’arrestation de Habiba Kouider, interpellée la veille des émeutes, le mardi 27 mai. Cette jeune femme a comparu devant un tribunal pour « prêche d’un culte non musulman sans autorisation ». Elle avait été arrêtée dans un autobus en possession d’une dizaine de bibles. Depuis Février 2006 l’exercice d’un culte est conditionné à l’obtention d’une autorisation en Algérie, et les persécutions de Chrétiens se sont multipliées.
A ce propos, et concernant ce dernier fait, il faut signaler le signe d’espoir qu’est « l’appel à la tolérance et aux respects des libertés », publié par un groupe d’intellectuels algériens. Cet appel a recueilli plus de 2500 signatures. Dépassant leurs divergences, ils ont dénoncé les violations des libertés démocratiques, réaffirmé le droit de chacun de pratiquer le culte de son choix, ou de ne pas pratiquer, proclamant ainsi cette farouche volonté de vivre ensemble, dans le respect de chacun. Des dizaines de personnalités maghrébines, françaises et européennes ont soutenu cette initiative faisant de Habiba un symbole de courage et de liberté.
Il y a plus qu’une coïncidence de date entre l’émeutes des jeunes d’Oran et le procès de Habiba Kouider, car dans les deux cas il en va de l’espérance de vivre dans une société plurielle, et pouvant donner, à tous, espoir dans l’avenir. L’émeute d’Oran nous dit que 20 ans après octobre 1988, la question des espérances démocratiques reste toujours à l’ordre du jour en Algérie.


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Gilbert COLLARD (avocat, barreau de Paris)

(France Soir du 31/05/2008)

Bible criminelle

Les douze rares lignes de l’AFP, douze comme les apôtres, ne me laissent pas indifférent.

Excusez-moi si je ne suis pas dans le ton des indignations répertoriées dans le catalogue des bons sentiments qui obligent à réagir et à manifester devant les caméras ; qu’y puis-je si le silence qui entoure le procès en Algérie d’une chrétienne convertie me fait horreur ?
Quelle que soit la religion en cause, comment peut-on accepter qu’un procureur requière une peine de prison ferme à l’encontre de six Algériens convertis au christianisme et qu’une jeune femme de 37 ans, Habiba Kouider, soit poursuivie pour cause de conversion à la même religion ?
Le choix de leur dieu m’importe peu. Ils pourraient se convertir à n’importe quelle croyance, prier Vichnou, adorer Abraham, vénérer le dalaï-lama, qu’on leur foute la paix !Quel pays devient l’Algérie qui s’assombrit, recouverte de la bourka, au point de réprimer l’amour pour Jésus, comme si c’était un crime.
Partout dans le monde des chrétiens sont persécutés : voilà revenu le temps béni des catacombes. Et nul ne s’indigne, si ce n’est modérément, des fois qu’on leur reprocherait de violer la neutralité laïque, qu’un Mélenchon de service à la sacristie socialiste soudain s’offusque de cette ingérence.
Aucune protestation des patentés protestataires contre ce pays ami, où les démocrates souffrent, où les journalistes trempent la plume dans la peur avant d’écrire, où les avocats se défendent de défendre, où l’intégrisme intègre, hélas il est le seul, s’installe comme chez lui dans sa folie médiévale.
Au côté de la jeune femme, cependant, il y avait une avocate courageuse, Me Khelloudja Khalfoun, seule, trop seule. On doit être avec elle. Elle défend aussi l’honneur de l’Algérie des libertés. Le procureur a requis trois ans de prison ferme le 20 mai contre la fragile chrétienne arrêtée fin mars en possession de bibles, des armes qui « ébranlent la foi des musulmans ».
Sous la pression de la presse francophone et des militants des droits de l’homme, le tribunal a ordonné « un complément d’information ». Mais, en même temps, des croyants, six, comparaissaient pour « distribution de tracts visant à ébranler la foi des musulmans ». Leur crime ? S’être réunis, faute d’église, au domicile de l’un d’entre eux, pour prier secrètement.
Lundi le parquet général de Tiaret a fondé les poursuites sur le fait que « les inculpés s’adonnaient à des rites chrétiens et étaient en possession d’évangiles ».
Cela se passe à une mer Méditerranée de nous…Et dire que l’on croyait l’Evangile ringard et inoffensif !
Dimanche j’irai à la messe pour témoigner dans l’universalité d’une prière mon admiration pour cette femme et ces hommes persécutés…Ce sera ma manif dominicale !

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Le Vatican

(Le Point.fr du 12/06/2008)

(…) Mais, pour le Vatican, les dangers d’une mauvaise compréhension de la Bible viennent aussi d’une lecture déconnectée de la foi religieuse, dans un contexte marqué par “le sécularisme consumériste”, le “relativisme”, “l’indifférence religieuse”. Il évoque également les “conflits douloureux” auxquels sont parfois confrontées “les minorités chrétiennes dans un milieu non chrétien à propos de l’emploi de la Bible”, allusion aux tracasseries dont font l’objet les petites communautés chrétiennes dans certains pays musulmans. Une chrétienne convertie, Habiba Kouider, est actuellement poursuivie par la justice algérienne pour “pratique illégale d’un culte non musulman” après avoir été interpellée en possession de plusieurs exemplaires de la Bible.

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