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Loi, décrets d’application et commentaire

Posté par soslibertes le 13 avril 2009

1- Loi du 28 février 2008
2- Décret d’application
3- Commentaire par Me Khalfoun (avocate au barreau de Tizi-Ouzou)

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1- Ordonnance n° 06-03 du 29 Moharram 1427 correspondant au 28 février 2006 fixant les

Conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulman


Le Président de la République,
Vu la Constitution, notamment ses articles 2, 29, 36, 43, 122 et 124 ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel l’Algérie a adhéré par le décret présidentiel n° 89-67 du 16 mai 1989 ;
Vu l’ordonnance n° 66-154 du 8 juin 1966, modifiée et complétée, portant code de procédure civile ;
Vu l’ordonnance n° 66-155 du 8 juin 1966, modifiée et complétée, portant code de procédure pénale ;
Vu l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966, modifiée et complétée, portant code pénal ;
Vu l’ordonnance n° 77-03 du 19 février 1977 relative aux quêtes ;
Vu la loi n° 89-28 du 31 décembre 1989, modifiée et complétée, relative aux réunions et manifestations publiques ;
Vu la loi n° 90-08 du 7 avril 1990, complétée, relative à la commune ;
Vu la loi n° 90-09 du 7 avril 1990, complétée, relative à la wilaya ;
Vu la loi n° 90-31 du 4 décembre 1990 relative aux associations ;

Le Conseil des ministres entendu,


CHAPITRE I : DISPOSITIONS GENERALES


Article 1er. — La présente ordonnance a pour objet de fixer les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulman. 
Art. 2. — L’Etat algérien dont la religion est l’Islam garantit le libre exercice du culte dans le cadre du respect des dispositions de la Constitution, de la présente ordonnance, des lois et règlements en vigueur, de l’ordre public, des bonnes moeurs et des droits et libertés fondamentaux des tiers. L’Etat garantit également la tolérance et le respect entre les différentes religions.Art. 3. — Les associations religieuses des cultes autres que musulman bénéficient de la protection de l’Etat.

Art. 4. — Il est interdit d’utiliser l’appartenance religieuse comme base de discrimination à l’égard de toute personne ou groupe de personnes.

CHAPITRE II : DES CONDITIONS D’EXERCICE DU CULTE

Art. 5. — L’affectation d’un édifice à l’exercice du culte est soumise à l’avis préalable de la commission nationale de l’exercice des cultes prévue à l’article 9 de la présente ordonnance.
Est interdite toute activité dans les lieux destinés à l’exercice du culte contraire à leur nature et aux objectifs pour lesquels ils sont destinés.
Les édifices destinés à l’exercice du culte sont soumis au recensement par l’Etat qui assure leur protection.

Art. 6. — L’exercice collectif du culte est organisé par des associations à caractère religieux dont la création, l’agrément et le fonctionnement sont soumis aux dispositions de la présente ordonnance et de la législation en vigueur.

Art. 7. — L’exercice collectif du culte a lieu exclusivement dans des édifices destinés à cet effet, ouverts au public et identifiables de l’extérieur.

Art. 8. — Les manifestations religieuses ont lieu dans des édifices, elles sont publiques et soumises à une déclaration préalable.
Les conditions et modalités d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire.

Art. 9. — Il est créé, auprès du ministère chargé des affaires religieuses et des wakfs, une commission nationale des cultes, chargée en particulier de :
— veiller au respect du libre exercice du culte ;
— prendre en charge les affaires et préoccupations relatives à l’exercice du culte ;
— donner un avis préalable à l’agrément des associations à caractère religieux.
La composition de cette commission et les modalités de son fonctionnement sont fixées par voie réglementaire.

CHAPITRE III : DISPOSITIONS PENALES

Art. 10. — Est puni d’un emprisonnement d’un(1) an à trois (3) ans et d’une amende de 250.000 DA à 500.000 DA quiconque, par discours prononcé ou écrit affiché ou distribué dans les édifices où s’exerce le culte ou qui utilise tout autre moyen audiovisuel, contenant une provocation à résister à l’exécution des lois ou aux décisions de l’autorité publique, ou tendant à inciter une partie des citoyens à la rébellion, sans préjudice des peines plus graves si la provocation est suivie d’effets.
La peine est l’emprisonnement de trois (3) ans à cinq (5) ans et l’amende de 500.000 DA à 1.000.000 DA si le coupable est un homme de culte.

Art. 11. — Sans préjudice des peines plus graves, est puni d’un emprisonnement de deux (2) ans à cinq (5) ans et d’une amende de 500.000 DA à 1.000.000 DA quiconque :
1 – incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion, ou en utilisant à cette fin des établissements d’enseignement, d’éducation, de santé, à caractère social ou culturel, ou institutions de formation, ou tout autre établissement, ou tout moyen financier,
2 – fabrique, entrepose, ou distribue des documents imprimés ou métrages audiovisuels ou par tout autre support ou moyen qui visent à ébranler la foi d’un musulman.

Art. 12. — Est puni d’un emprisonnement d’un (1) an à trois (3) ans et d’une amende de 100.000 DA à 300.000 DA, quiconque a recours à la collecte de quêtes ou accepte des dons, sans l’autorisation des autorités habilitées légalement.

Art. 13. — Est puni d’un emprisonnement d’un (1) an à trois (3) ans et d’une amende de 100.000 DA quiconque :
1 – exerce un culte contrairement aux dispositions des articles 5 et 7 de la présente ordonnance,
2 – organise une manifestation religieuse contrairement aux dispositions de l’article 8 de la présente ordonnance,
3 – prêche à l’intérieur des édifices destinés à l’exercice du culte, sans être désigné, agréé ou autorisé par l’autorité religieuse de sa confession, compétente, dûment agréée sur le territoire national et par les autorités algériennes compétentes.

Art. 14. — La juridiction compétente peut interdire à un étranger, condamné suite à la commission de l’une des infractions prévues par la présente ordonnance, le séjour sur le territoire national définitivement ou pour une période qui ne peut être inférieure à dix (10) ans.
Il découle de l’interdiction de séjour l’expulsion, de plein droit, hors du territoire national, de la personne condamnée, après exécution de la peine privative de liberté.

Art. 15. — La personne morale qui commet l’une des infractions prévues par la présente ordonnance est punie :
1 – D’une amende qui ne peut être inférieure à quatre (4) fois le maximum de l’amende prévue par la présente ordonnance pour la personne physique qui a commis la même infraction.
2 – D’une ou de plusieurs des peines suivantes :
— la confiscation des moyens et matériels utilisés dans la commission de l’infraction,
— l’interdiction d’exercer, dans le local concerné, un culte ou toute activité religieuse,
— la dissolution de la personne morale.

CHAPITRE IV : DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES


Art. 16. — Les personnes exerçant un culte autre que musulman, dans un cadre collectif, sont tenues de se conformer aux dispositions de la présente ordonnance, dans un délai de six (6) mois, à compter de sa publication au Journal officiel.

Art. 17. — La présente ordonnance sera publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.

Fait à Alger, le 29 Moharram 1427
correspondant au 28 février 2006.
Abdelaziz BOUTEFLIKA.

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2- Décret exécutif n° 07-158 du 10 Joumada El Oula 1428 correspondant au
27 mai 2007 fixant la composition et les modalités de fonctionnement de la

Commission nationale des cultes autres que musulman

Le Chef du Gouvernement,
Sur le rapport conjoint du ministre de la justice, garde des sceaux et du ministre des affaires religieuses et deswakfs,
Vu la Constitution, notamment ses articles 85-4  et 125 (alinéa 2) ;
Vu l’ordonnance n06-02 bis du 29 Moharram 1427 correspondant au 28 février 2006 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulman, notamment son article 9 ;
Vu le décret présidentiel n06-175 du 26 Rabie Ethani 1427 correspondant au 24 mai 2006 portant nomination du Chef du Gouvernement ;
Vu le décret présidentiel n06-176 du 27 Rabie Ethani 1427 correspondant au 25 mai 2006 portant nomination des membres du Gouvernement ;Décrète :

CHAPITRE 1 : DISPOSITIONS GENERALES


Article 1er – En application de l’article 9 de l’ordonnance n 06-02 bis du 29 Moharram 1427 correspondant au 28 février 2006, susvisée, le présent décret a pour objet de fixer la composition et les modalités de fonctionnement de la commission nationale des cultes autres que musulman, dénommée ci-dessous la commission.

Art. 2 – La commission veille au respect du libre exercice du culte et prend en charge les affaires et préoccupations en relation et donne un avis préalable à l’agrément des associations à caractère religieux ainsi qu’à l’affectation des édifices à l’exercice du culte.

Art. 3 – La commission se réunit au siège du ministère des affaires religieuses et des wakfs.

CHAPITRE II : COMPOSITION DE LA COMMISSION

Art. 4 – La commission, présidée par le ministre des affaires religieuses et des wakfs ou son représentant, est composée des représentants :
. du ministre de la Défense nationale ;
. du ministre de l’Intérieur et des collectivités locales ;
. du ministre des Affaires étrangères ;
. de la Direction générale de la sûreté nationale ;
. du Commandement de la gendarmerie nationale ;
. de la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l’Homme.

Elle peut, en outre, faire appel à toute personne susceptible de l’éclairer dans l’accomplissement de ses missions.
En outre, la commission peut faire appel au représentant de tout culte dont elle juge la présence nécessaire.

Art. 5 – Les membres de la commission sont désignés, sur proposition de l’autorité dont ils relèvent, par arrêté du ministre des affaires religieuses et des wakfs. Ils sont choisis, en raison de leur compétence, parmi les fonctionnaires ayant au moins le grade de directeur central.
Il est mis fin à leurs fonctions dans les mêmes formes.

CHAPITRE III : MODALITES DE FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION

Art. 6 – La commission se réunit, sur convocation de son président, chaque fois que de besoin et au moins une (1) fois tous les trois (3) mois.

Art. 7 – Le président de la commission fixe l’ordre du jour et les dates de réunion de la commission.
Des convocations individuelles et l’ordre du jour sont transmis à chaque membre de la commission dix (10) jours au moins avant la tenue de la réunion.

Art. 8 – Les délibérations de la commission sont consignées sur des procès-verbaux co-signés par les membres et transcrites sur un registre spécial, coté et paraphé par le président du tribunal compétent.

Art. 9 – Les décisions de la commission relatives à l’exercice du culte sont notifiées aux intéressés dans un délai n’excédant pas deux (2) mois à compter du dépôt de la demande ou de la plainte.
Les avis de la commission relatifs à l’agrément des associations à caractère religieux et à l’affectation des édifices sont notifiés à l’autorité habilitée dans un délai n’excédant pas un (1) mois de sa saisine.

Art. 10 – La commission est dotée d’un secrétariat permanent présidé par un fonctionnaire nommé par arrêté du ministre des affaires religieuses et des wakfs.

Le secrétariat permanent est chargé en particulier :
. de préparer les travaux de la commission ;
. de notifier l’ordre du jour des réunions à tous les membres de la commission ;
. d’assister aux réunions de la commission et d’en dresser les procès-verbaux ;
. de mettre à la disposition de la commission toutes les informations et documents.

Les modalités de fonctionnement du secrétariat permanent sont fixées dans le règlement intérieur de la commission.

Art. 11 – La commission établit et adopte son règlement intérieur.

Art. 12 – La commission élabore un rapport annuel sur ses activités qu’elle transmet au Chef du Gouvernement.

Art. 13 – Les crédits nécessaires au fonctionnement de la commission sont inscrits sur le budget de fonctionnement du ministère des affaires religieuses et des wakfs.

Art. 14 – Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.

Fait à Alger, le 10 Joumada El Oula 1428
correspondant au 27 mai 2007.
Abdelaziz BELKHADEM.

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3- Commentaire par Me Khalfoun (avocate au barreau de Tizi-Ouzou)

Me Kheloudja Khalfoun, avocate au barreau de Tizi-Ouzou, est intervenue dans plusieurs procès célèbres, comme celui des femmes violées de Hassi Messaoud, ou celui des détenus du printemps noir en Kabylie. Actuellement, elle défend Habiba Kouider, chrétienne accusée de « pratique d’un culte autre que musulman sans autorisation». Elle a également été l’avocate des six protestants évangéliques de Tiaret.


ADA : L’ordonnance 06-03 règlementant le culte autre que musulman a été promulguée au journal officiel le 28 février 2006. Pouvez-vous nous résumer les grandes lignes de ce texte ?

Me Kheloudja Khalfoun: Cette ordonnance a été promulguée dans le but de règlementer les cultes autres que musulmans. Légalement c’est normal. Il faut vérifier que les gens qui prêchent sont des gens qualifiés. Pour la question des contrôles des lieux de culte, c’est pareil. Il s’agit d’une norme basique de sécurité. Il faut règlementer un site destiné à accueillir un large public si on veut éviter les dérives. Mais ce qui me dérange dans ce texte, c’est qu’on y distingue les musulmans et les non musulmans. On sépare la société en deux. Alors que le propre de la loi est de s’adresser à tous. Si on parle de loi sur les cultes, pourquoi ne pas avoir un texte commun qui règlementerait les Eglises, les mosquées et les synagogues ?

Un article pose particulièrement question : l’article 11 qui décrit les sanctions pénales entraînées par un délit de prosélytisme.


L’article 11 a des termes très vagues. Peut être condamné quiconque « fabrique, entrepose ou distribue des documents imprimés ou métrages audiovisuels ou tout autre support ou moyen qui visent à ébranler la foi d’un musulman ». Cet article viole la liberté de culte : on ne se contente pas de dire « distribue des documents », mais même « entrepose ». Dès qu’on possède un livre, on risque d’être poursuivi ! On peut tout mettre derrière ces termes car c’est une notion fourre-tout et très élastique. Or la dérive au nom de la légalité est très facile. Et encore une fois, cette loi créé deux catégories de citoyens en Algérie : les musulmans et les autres. Quelqu’un qui détient une Bible peut tomber sous le coup de cet article alors les personnes qui possèdent un Coran ne risquent rien.


L’article 8 précise que les manifestations religieuses ont lieu dans des édifices, sont publiques et soumises à une déclaration préalable. Mais le fait de prier ensemble, dans un lieu privé est-il soumis à autorisation ? Et est-ce un délit ?


L’ordonnance fixe les conditions d’exercice public du culte, pas privé. Cet amalgame, qu’on a constaté dans l’affaire des six chrétiens de Tiaret, est très grave. Il n’y a pas de texte sur l’exercice du culte de manière individuelle et privée, ni dans le code pénal, ni dans cette ordonnance. Et s’il n’y a pas de texte, l’acte est licite, et il n’y a pas de poursuite possible. C’est un principe de droit dans tous les codes pénaux du monde. C’est d’ailleurs l’article premier du code pénal algérien.


Pour vous, cette ordonnance est-elle en adéquation avec la Constitution et les conventions internationales ratifiées par l’Algérie ?


Cette ordonnance est complètement en contradiction avec la Constitution qui garantit la liberté de culte et interdit la ségrégation par la religion. Or la constitution est le
« sommet de la pyramide » de la loi. L’Algérie a également ratifié toutes sortes de conventions et de traités internationaux, comme la déclaration des droits de l’Homme, ou la charte africaine des droits de l’homme. La suite logique est que les textes de loi algériens à venir soient mis en conformité avec les documents ratifiés. Si la loi nationale est en contradiction avec le texte international c’est ce dernier qui prime en droit.


Quelles seraient selon-vous les solutions pour remédier aux points qui posent problème dans ce texte ?


La seule façon d’y remédier pour moi est de
faire un texte unique, qui règlemente tous les cultes, qui respecte l’esprit de la loi algérienne, et ne crée pas deux catégories de personnes dans ce pays. Avant d’être chrétiens ou musulmans, les Algériens sont surtout des citoyens soumis à la loi algérienne. Il n’y a pas lieu de faire une ordonnance à part pour les chrétiens ou toute autre confession.

Propos recueillis par Sophie Vémy

(Source : site de l’Eglise catholique d’Algérie : http://www.ada.asso.dz)

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